un double rideau de
velours qui formait une large baie, ouverte a cet endroit. Pardaillan
glissa un regard par cet entrebaillement, et vit une vaste salle,
eclairee par quelques flambeaux, allumes de place en place.
Cette salle, il la reconnut aussitot... C'etait la magnifique piece aux
colonnades, aux statues, aux torcheres d'or... la salle du trone!...
Il allait s'eloigner et continuer son excursion, lorsqu'il demeura cloue
sur place... Il lui semblait qu'il venait d'entendre comme un leger
bruit de pas.
Ce bruit venait de la grande salle du trone. Pardaillan colla son oeil a
la fente des rideaux, et apercut une sorte de fantome vetu de blanc qui
marchait, ou plutot glissait d'un pas majestueux.
"Fausta!"
C'etait Fausta, en effet, calme, grave, sereine comme a son habitude.
Derriere elle, venait un homme qui, en entrant dans la salle, laissa
retomber le manteau dont il se couvrait a demi le visage.
"Le duc de Guise!"
Fausta s'etait arretee vers le milieu de la salle, et, prenant place
dans un fauteuil, avait indique un siege a Guise, qui s'assit lui-meme.
"Voila donc, gronda Pardaillan dont le visage flamboya, voila la femme
qui a voulu me tuer a chacune de nos rencontres... et aujourd'hui meme!
Voici l'homme qui a jete une meute a mes trousses et a bouleverse la
Cite pour me faire assassiner!... Je les tiens la, tous deux... ils
sont seuls... Si je me montrais tout a coup, et si, profitant de leur
stupeur, je les frappais mortellement l'un et l'autre, ne serait-ce pas
mon droit?"
Pardaillan tourmentait le manche de son poignard. Mais, bientot sa
physionomie s'apaisa, sa main retomba, et, pensif, il murmura:
"Ce serait mon droit peut-etre... mais, alors, j'aurais merite ce mot
dont Guise m'a soufflete rue Saint-Denis... je serais un lache! Non, ce
n'est pas ainsi que je dois me venger... Ce mot, Guise doit en mourir...
Il en mourra. Je l'ai jure... mais il faut qu'il sache qu'un Pardaillan
ne frappe pas a l'improviste, et par derriere!..."
Fausta, au moment ou elle avait quitte Pardaillan, sur le seuil de son
palais, avait pu, a une lointaine rumeur, se douter que Guise avait bien
pris ses precautions contre Pardaillan.
Ce fut pour Fausta une minute de joie, un court repit dans la douleur
affreuse qu'elle etait parvenue jusque-la a cacher sous un visage
immuable. Mais, a peine fut-elle enfermee, verrouillee dans sa chambre,
seule, sa physionomie se decomposa, et des imprecations tordirent s
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