utre qu'il tenait
fort au sien, outre enfin que sa bourse ne lui permettait pas de
depenses exagerees.
Toutes ces raisons firent que Pardaillan resolut d'abandonner la
poursuite directe, et de tacher d'arriver a Dunkerque par des voies de
traverse qui abregeraient son chemin. Mais, a Montdidier, ou il s'arreta
pour laisser reposer une heure son cheval, il apprit qu'un cavalier
venait precisement de se rafraichir dans la guinguette ou il entra. A
la description qu'il provoqua par ses questions, il reconnut que ce
cavalier ne pouvait etre que le messager de Fausta... Il sut en outre
que son homme n'avait guere qu'une demi-heure d'avance sur lui.
"C'est le moment de prendre ma revanche du tour qu'il m'a joue!" pensa
Pardaillan.
Et, remontant en selle au bout de dix minutes qui furent employees a
bouchonner vigoureusement son cheval, il reprit sa course furieuse, au
risque, cette fois, de tuer sa bete.
Mais, lorsqu'il apercut au loin dans la plaine les clochers et les toits
d'Amiens, il n'avait pas rejoint le cavalier!
Le soir venait. Pardaillan s'arreta pour reflechir: Le resultat de ses
reflexions fut qu'il se remit en route au petit trot, ce dont sa monture
temoigna sa satisfaction en s'ebrouant et en faisant sauter l'ecume
autour d'elle. Seulement, au lieu d'entrer dans Amiens, Pardaillan se
mit a en faire le tour en grommelant:
"Guette-moi bien, mon brave comte, guette bien de ta fenetre tout ce qui
entre dans Amiens..."
Il imaginait le cavalier dans l'auberge la plus rapprochee de la porte
de Paris, cache derriere les rideaux de sa fenetre. Et il riait en
lui-meme du bon tour qu'il lui preparait. Lorsque, apres avoir contourne
la ville, Pardaillan rejoignit la route du Nord, c'est-a-dire la route
de Doullens et Saint-Pol, il mit son cheval au pas et poursuivit son
chemin jusqu'au bourg de Villiers. La nuit etait tout a fait noire
lorsqu'il y arriva.
Villiers etait a cheval sur la route. Au milieu de la grand-rue, il y
avait une auberge. Un cavalier venant d'Amiens et allant a Saint-Pol
etait force de passer devant cette auberge.
Pardaillan mit pied a terre, fit conduire son cheval a l'ecurie, le fit
bouchonner devant lui, et, lorsqu'il eut vu la brave bete bien sechee,
les pieds dans une bonne litiere, le nez dans la mangeoire bien garnie,
il songea enfin a lui-meme. Il tombait de fatigue et de faim. Un bon
diner eut raison de la faim. Mais, apres la faim, Pardaillan avait la
fatigue a vaincre. Or
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