, son intention etait de surveiller la route toute
la nuit s'il le fallait.
Il se fit conduire a sa chambre, qui donnait sur la route. Et il jeta un
regard d'envie sur l'excellent lit qui l'attendait.
--Veux-tu gagner deux ecus? dit-il tout a coup au garcon qui lui avait
indique la chambre.
Ce garcon, avec une figure assez niaise, ouvrit de grands yeux a la
proposition du voyageur.
--Deux ecus! s'ecria-t-il.
--Deux ecus de six livres. Les voici, dit Pardaillan qui exhiba les deux
pieces d'argent. Ton service est fini, n'est-ce pas, car il n'y a plus
personne dans l'auberge...
--J'ai encore a fermer les portes des etables et des ecuries.
--Va donc, et reviens vite...
Au bout de dix minutes, le jeune paysan etait de retour.
--Ou dors-tu? fit Pardaillan.
--Dans l'ecurie, sur la paille.
--Eh bien, si tu veux passer la nuit dans cette chambre, sur cette
chaise que je mets pres de la fenetre, tu auras les deux ecus... Ce
n'est pas tout. Tout en veillant, comme tu t'ennuierais toute une nuit
sur cette chaise, tu t'amuseras a ecouter dans la rue... Et, s'il
passait un cheval, a n'importe quelle heure, tu me reveillerais... un
cheval venant d'Amiens et allant sur Doullens...
--J'ai compris! dit le garcon.
Puis allant s'asseoir sur la chaise, et s'accotant aux vitraux de la
fenetre:
--Me voici a mon poste, dit-il. Je vous garantis que, d'ici demain, il
ne passera personne que vous n'en soyez aussitot prevenu.
Pardaillan posa son pistolet d'arcon sur une table pres de lui et sa
rapiere debout a la tete du lit, sur lequel il se jeta tout habille avec
un soupir de satisfaction. Il s'endormit aussitot. Le paysan veilla
scrupuleusement, et, au petit jour, reveilla le chevalier, comme c'etait
convenu.
--Il n'est passe personne? demanda Pardaillan qui se mit sur pied et
remit au garcon les deux ecus.
--Personne, si ce n'est quelques charrettes.
Pardaillan dejeuna pres de la fenetre et fit boire au garcon un grand
verre de vin, honneur dont le digne Picard se montra touche.
Puis, le jour etant tout a fait venu, Pardaillan sella son cheval et,
poste dans la salle de l'auberge, attendit tranquillement.
Vers huit heures, un cavalier se montra au bout de la rue, Pardaillan se
mit a rire... Ce cavalier, c'etait celui qu'il attendait, le messager
envoye par Fausta a Alexandre Farnese! La revanche de Pardaillan etait
aussi complete qu'il l'avait revee.
Il laissa passer le messager qui s'en allait
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