oins pour lui que pour moi.
De nouveau elle fit une pause pour se remettre.
--Et voila de quelle recompense je vais le payer. Ah! cela est affreux.
Qu'il sache au moins que je ne me separe pas de lui, le coeur leger, par
un coup de tete, sans ressentir les angoisses de cette separation et
sans compatir a son chagrin. Voila le service que je reclame de vous, et
voila pourquoi j'ai tenu si vivement a nous menager cette promenade, qui
devait me permettre de m'expliquer librement et de bien vous dire tout
ce que je desire qui soit repete a mon oncle, ainsi qu'a ma mere, je ne
veux pas qu'ils m'accusent injustement et je remets ma cause entre vos
mains: voulez-vous la plaider non seulement pour moi, de facon qu'ils
ne me condamnent pas, mais encore pour eux, de facon a adoucir leur
douleur?
--J'aurais bien des choses a vous opposer, mais les raisons par
lesquelles je vous combattrais, vous vous les etes donnees vous-meme,
j'en suis sur. Je suis a vous.
Elle lui prit la main et la serra en le regardant.
Puis tout a coup, s'arrachant a l'emotion qui l'oppressait:
--Vous plait-il que nous nous remettions en route? dit-elle. En avant!
et ne pensons plus qu'au plaisir de la promenade.
IV
Eh quoi! c'etait la Carmelita!
Quelle difference entre la realite et ce qu'il savait ou plutot ce qu'il
croyait savoir d'elle!
Que de fois lui avait-on repete le mot de la fable: "Belle tete, mais
point de cervelle!"
Assurement ceux qui parlaient ainsi ne la connaissaient point, ou bien
c'etait la jalousie et l'envie qui les inspiraient.
Non seulement il y avait quelque chose dans cette cervelle, mais encore
il y avait de nobles sentiments dans ce coeur.
Si l'on s'etait trompe sur son intelligence, ne pouvait-on pas aussi
s'etre trompe de meme sur son caractere?
Pour lui, qui venait d'eprouver combien cette intelligence etait
differente de ce qu'il avait cru tout d'abord et de ce qu'on lui avait
dit, il etait tout porte a ne pas admettre un jugement plus que l'autre.
En raisonnant ainsi, il marchait derriere Carmelita, et, depuis qu'ils
avaient quitte la place ou ils avaient dejeune, il ne lui avait pas
adresse d'autres paroles que quelques mots insignifiants pour la guider.
Tout a coup il la rejoignit et lui prenant la main il la posa sur son
bras.
Ce mouvement s'etait fait si vite et d'une facon si brusque, si
imprevue, qu'elle s'arreta et le regarda avec stupefaction.
--Le chemin devient difficile,
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