ma position, je le ferai encore bien moins
maintenant, que je sais ce qu'elle est et que je raisonne. Je vous l'ai
dit et je vous le repete, je veux mon independance; je veux celle de
la vie; je veux aussi, je veux surtout celle du coeur. Si je me marie
jamais, je veux choisir mon mari, non parce qu'il a un grand nom ou une
grande position, mais parce qu'il m'aime et que je l'aime. Cela, je
l'espere, ne vous parait pas trop romanesque; je vous assure que je ne
suis pas romanesque.
--Mais je n'ai jamais pense qu'on devait s'excuser d'etre romanesque;
trop peu de gens, helas! mettent le sentiment dans leur existence.
--C'est precisement cela que je veux: mettre le sentiment au-dessus des
interets, et non les interets au-dessus du sentiment. Voila pourquoi je
tiens a etre libre, Je sais que l'on me reprochera mon coup de tete.
Comedienne! quelle bassesse! Appartenir a l'une des premieres familles
de l'Italie et se faire chanteuse, quelle folie! Et cependant j'ai une
excuse. Puisque je suis destinee a jouer la comedie en ce monde, j'aime
mieux la jouer au theatre que dans la vie. Le role qu'on veut m'imposer
et que je devrais accepter pour reussir me pese et m'humilie, de sorte
que je le joue aussi mal que possible et que je ne reussirai jamais;
tandis que celui que je veux prendre n'a rien qui m'effraye.
--Cependant....
--Oui, vous avez raison, ce que je dis la est inexact. Il y a une chose
qui m'effraye et beaucoup, c'est de quitter mon oncle et ma mere.
Elle parut tres emue et s'arreta un moment.
--C'est cette consideration qui pendant longtemps m'a arretee, dit-elle
en reprenant. J'ai hesite, j'ai ete d'une resolution a une autre,
decidee un jour a partir, le lendemain a rester pres d'eux et a laisser
les choses aller sans m'en meler: car je sens, croyez-le bien, le
chagrin que je vais leur causer. Pour ma pauvre mere, cette separation
sera terrible; pour mon oncle, elle ne le sera pas moins, puisqu'elle
sera l'aneantissement de projets auxquels depuis sept annees il a tout
sacrifie: son temps, sa peine, sa fortune, ses plaisirs. On ne sait pas,
on ne saura jamais ce qu'ont ete les soins de mon oncle; songez que ce
qu'il ne savait pas, il a eu le courage, a son age, de l'apprendre
pour me l'enseigner. Et quel courage non moins admirable dans cet
enseignement donne a une fille telle que moi! Certes, bien des fois ses
lecons m'ont ete penibles et cruelles, mais je sens maintenant qu'elles
n'ont pas pu l'etre m
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