rien; mais comme pour transformer une terre defrichee en
une bonne prairie il ne faut pas moins de trois ans, des engrais
chimiques pour lui rendre sa fertilite epuisee et des cultures
preparatoires en avoine, en luzerne, en sainfoin, ce n'est pas un
travail d'un jour, tu le vois. En meme temps que je dois changer
l'exploitation de ces terres, je dois aussi changer le betail qui
consommera leurs produits. Ton oncle pouvait, avec le systeme adopte par
lui, se contenter de la race du pays, qui est la race basquaise plus ou
moins degeneree, de petite taille, nerveuse, sobre, a la robe couleur
grain de ble, aux cornes longues et deliees, comme tu peux le voir avec
les vaches qui paissent au-dessous de nous; cette race, d'une vivacite
et d'une resistance extraordinaire au travail, est malheureusement
mauvaise laitiere; or, comme ce que je demanderai a mes vaches ce sera
du lait, non du travail, je ne peux pas la conserver.
--Si jolies les basquaises!
--En obeissant a la theorie, je les remplacerais par des normandes qui,
avec nos herbes de premiere qualite, me donneraient une moyenne
superieure a dix-huit cents litres de lait; mais, comme je ne veux pas
courir d'aventures, je me contenterai de la race de Lourdes qui a le
grand avantage d'etre du pays, ce qui est a considerer avant tout, car
il vaut mieux conserver une race indigene avec ses imperfections, mais
aussi avec sa sobriete, sa facilite d'elevage et son acclimatation
parfaite, que de tenter des ameliorations radicales qui aboutissent
quelquefois a des desastres. Me voila donc, quand la transformation du
sol est operee, a la tete d'un troupeau de trois cents vaches que le
domaine peut nourrir.
--Trois cents vaches!
--Qui me donnent une moyenne de quatre cent cinquante mille litres de
lait par an, ou douze a treize cents litres par jour.
--Et qu'en fais-tu de cette mer de lait?
--Du beurre. C'est precisement pour que tu te rendes compte de mon
projet que je t'ai amenee ici. Pour loger mes vaches, au moins quand
elles ne sont pas encore tres nombreuses, j'ai les batiments
d'exploitation qui, dans le commencement, me suffisent, mais je n'ai pas
de laiterie pour emmagasiner mon lait et faire mon beurre; c'est ici que
je la construis, sur ce terrain a l'abri des inondations et a proximite
d'une chute d'eau, ce qui m'est indispensable. En effet, je n'ai pas
l'intention de suivre les vieux procedes de fabrication pour le beurre,
c'est-a-dire d'attendre que la
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