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un pont. Elle etoit debordee, quoiqu'il n'eut point plu. Mois, je voulus y
faire boire mon cheval; mais la rive etoit escarpee et l'eau profonde, et
infailliblement je m'y serois noye si le mamelouck n'etoit venu a mon
secours.
Au dela du fleuve est une longue et vaste plaine qui dure toute une
journee. Nous y rencontrames six a huit Turcomans accompagnes d'une femme.
Elle portoit la tarquais ainsi qu'eux; et, a ce sujet, on me dit que celles
de cette nation sont braves et qu'en guerre elles combattent comme les
hommes. On ajouta meme, et ceci m'etonna bien davantage, qu'il y en a
environ trente mille qui portent ainsi le tarquais, et qui sont soumises a
un seigneur nomme Turcgadiroly, lequel habite les montagnes d'Armenie, sur
les frontieres de la Perse.
La seconde journee fut a travers un pays de montagnes. Il est assez beau
quoique peu arrose; mais par tout on ne voyoit que des habitations
detruites. Tout en le traversant, mon mamelouck m'apprit a tirer de l'arc,
et il me fit acheter des poucons et des anneaux pour tirer. Enfin nous
arrivames a un village riche en bois, en vignobles, en terres a ble, mais
qui n'avoit d'autres eaux que celles de citernes. Ce canton paroissoit
avoir ete habite autrefois par des chretiens, et j'avoue qu'on me fit un
grand plaisir quand on me dit que tout cela avoit ete aux Francs, et qu'on
me montra pour preuve des eglises abattues.
Nous y logeames; et ce fut la premiere fois que je vis des habitations de
Turcomans, et des femmes de cette nation a visage decouvert. Ordinairement
elles le cachent sous un morceau d'etamine noire, et celles qui sont riches
y portent attachees des pieces de monnoie et des pierres precieuses. Les
hommes sont bons archers. J'en vis plusieurs tirer de l'arc. Ils tirent
assis et a but court: ce peu d'espace donne a leurs fleches une grande
rapidite.
Au sortir de la Syrie on entre dans la Turcomanie, que nous appellons
Armenie. La capitale est une tres-grande ville qu'ils nomment Antequaye, et
nous Antioche. Elle fut jadis tres-florissante et a encore de beaux murs
bien entiers, qui renferment un tres-grand espace et meme des montagnes.
Mais on n'y compte point a present plus de trois cents maisons. Au midi
elle est bornee par une montagne, au nord par un grand lac, au-dela duquel
on trouve un beau pays bien ouvert. Le long des murs coule la riviere qui
vient de Hama. Presque tous les habitans sont Turcomans ou Arabes, et leur
etat est d'elever des tro
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