dit du dernier jour.
C'etait un spectacle grandiose et effrayant a la fois.
Jamais non plus la grande voix des elements dechaines ne s'etait montree
aussi solennelle et ne m'avait empeche du fermer l'oeil; mais ce
soir-la, je me sentais inquiet, mal a l'aise et malgre mon extreme
fatigue, je ne pus pendant longtemps reussir a m'endormir. Toutes ces
voix stridentes, tous ces fracas terribles et discordants produisaient
sur moi l'effet de fanfares infernales.
L'apparition de l'apres-midi me revenait sans cesse a l'esprit et
me faisait frissonner; pourtant ma vengeance n'etait pas complete
puisqu'Angeline me restait! D'un autre cote, il me semblait entendre
encore le pretre qui, en montrant le ciel a Marguerite, lui disait: "De
la haut, vous et Octave protegerez votre enfant, si elle est au pouvoir
des mechants."
Toutes ces pensees differentes me bouleversaient et lorsqu'enfin je pus
m'endormir, une fievre ardente s'etait emparee de moi et ma tete etait
brulante. Mon sommeil fut penible et agite. J'etais au milieu d'un songe
affreux, lorsqu'un eclat de tonnerre plus terrible que tous les autres
vint abattre un chene enorme a quelques pas de moi. Le bruit me fit
ouvrir les yeux et que devins-je? en apercevant un spectre hideux penche
sur moi! Son souffle glace, comme le vent d'hiver m'inondait tout la
corps. Bientot un petillement comme celui d'un incendie dans les bois se
fit entendre. Des lueurs sombres et sinistres environnerent le spectre.
La figure s'en degagea. Grand Dieu! que vis-je? C'etait Marguerite telle
que je l'avais vue le matin, plongeant encore son regard dans le mien.
Il avait la meme fixite et le meme eclat; mais cette fois de meme que
dans la savane, il etait charge de menaces. Ma frayeur augmenta encore,
lorsqu'approchant sa bouche decharnee de mon visage, elle me repeta de
sa voix breve et sepulcrale: "Frappe si tu l'oses!" Et apres ces mots,
un autre spectre vint se placer a cote d'elle, c'etait Octave, je le
reconnus parfaitement. Ses traits a lui aussi avaient un caractere
d'implacable severite. Angeline, je ne sais comment, se trouvait
derriere eux et arretait leurs bras prets a me precipiter dans un
gouffre beant tout aupres de ma couche. Je demeurai foudroye, aneanti
par cette affreuse vision. Mes cheveux se dresserent d'epouvante, une
sueur froide et abondante s'echappa de chaque pore de ma peau; mes dents
claquaient de terreur et pourtant malgre toutes les tentatives que
je fis, je ne puis
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