e nouveau dans le corridor. J'appelai encore une fois d'un accent
desespere. Cette fois, ma voix parvint aux oreilles de ceux a qui elle
s'adressait. Les pas s'arreterent a la porte de mon cachot et une voix
pleine d'onction et de tristesse demanda a celui qui l'accompagnait qui
appelait ainsi.
Ces un fou furieux, repondit celui a qui la question etait posee, il a
voulu aujourd'hui assassiner le gouverneur.
--Oh! non, non, m'ecriai-je avec force. Qu'on veuille seulement
m'entendre, mon temoignage peut sauver de la mort un innocent.
--Ouvrez-moi la porte de cette cellule, dit la meme voix douce mais
ferme cette fois.
--N'en faites rien, monsieur l'Abbe, il est capable de vous tuer.
--Ouvrez, repeta la voix plus fermement encore. La clef grinca dans la
serrure et la porte roula sur ses gonds, alors entra un pretre venerable
dont la chevelure blanche comme la neige retombait en rouleau sur ses
epaules. Il avait a la main un flambeau qu'il deposa pres de moi d'un
air calme et paternel. Sa figure portait un caractere de grandeur et de
serenite empreinte dans ce moment d'une indicible tristesse.
A sa vue, je tombai a genoux et joignant les mains je m'ecriai dans un
etat de reconnaissance sans bornes "Merci, mon Dieu, merci".
Le pretre parut d'abord surpris de cette brusque transformation, il
s'avanca encore plus pres de moi et me prenant les deux mains avec bonte
me dit d'une voix grave et sympathique:
"Vous avez donc bien souffert, mou pauvre frere, ou vous souffrez encore
beaucoup." Je ne pus lui repondre un seul mot, mais a l'alteration de
mes traits, il comprit que quelque chose d'extraordinaire se passait en
moi. Il alla alors fermer la porte, ota le leger manteau qui etait jete
sur ses epaules, le plia en quatre, la deposa sur ma couche, s'assit
lui-meme a cote sur la paille humide et avec une douce autorite
m'obligea de prendre place sur ce siege qu'il m'avait improvise, puis,
prenant une de mes mains, il me dit avec bonte: "Que puis-je faire pour
vous mon frere? Une malheureuse victime innocente des lois humaines
dort du sommeil du juste en attendant l'heure du supplice, je puis donc
demeurer quelques instants aupres de vous, parlez, en quoi puis-je vous
etre utile".
Oh! c'est alors que je soulageai mon ame du poids enorme qui l'ecrasait
depuis si longtemps en lui faisant, aussi brievement que possible, la
confession de toute ma vie et en lui racontant les circonstances
qui avaient lie mon existence
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