tenable. D'un moment a l'autre, un
mot indiscret de quelqu'enfant de la tribu, pouvait tout compromettre,
car chacun savait ce qui s'etait passe avant et apres l'execution, et je
craignais qu'il en vint quelque chose aux oreilles d'Angeline et qu'on
lui apprit de quelle maniere Attenousse etait mort. Je me decidai donc
un jour de fuir ces endroits a jamais nefastes, d'amener avec moi mes
infortunees protegees, d'aller demeurer dans un lieu ignore, aupres d'un
lac qui se trouve dans les profondeurs des bois, vis-a-vis Ste. Anne
de la Pocatiere, autrefois Ste. Anne de la Grande Anse. Je fis mes
preparatifs en consequence: j'achetai un fort grand canot, engageai des
hommes et le surlendemain, accompagnes d'une embarcation montee par
de puissants rameurs qui devaient nous preter secours au besoin, nous
descendimes le Saguenay et quelques jours apres nous traversions le
fleuve.
Est-il besoin de vous dire que la veille de mon depart, j'avais visite
plusieurs de mes amis et leur avais expose le but et la raison qui me
forcaient de les abandonner. Ils comprirent parfaitement, ces enfants
de la nature, quel etait le sentiment qui guidait ma conduite, ils
voulurent meme m'offrir des venaisons, fumees et des pelleteries dont
j'aurais trouve un avantageux debit. Je les remerciai avec effusion pour
ces preuves d'amitie qu'ils me donnaient, et lorsque le lendemain, je
doublai le cap qui les separait a jamais de ma vue, je pus apercevoir
leurs silhouettes mal effacees. Ils venaient nous dire adieu malgre
l'heure matinale du depart, et tachaient de se mettre a l'abri des
rochers pour que nous ne les vissions pas, tant ils semblaient
comprendre combien il nous etait penible de nous separer d'eux. Je n'en
ai revus que peu d'entre eux depuis que j'habite les bords du Lac a
la Truite, ceux-la je les ai toujours recus avec bonheur parce
qu'ils m'apportaient l'expression sincere de l'amitie que tous nous
conservaient.
Nous debarquames donc a Ste. Anne a un endroit qu'on appelle encore
aujourd'hui le Cap Martin. L'eglise se trouvait alors a une bien faible
distance de ce lieu, montrant son clocher d'ou trois fois par jour,
comme c'est encore la coutume, la cloche invitait les fideles a la
priere.
Je m'assurai de suite d'une demeure confortable. Un brave habitant,
moyennant retribution, me ceda une partie de sa maison. J'y installai
Angeline, son enfant et la vieille qui n'avait pas voulu se separer
d'elles et je m'etablis leur pourvoy
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