ent mon esprit de regrets pleins de charmes
mais a jamais superflus. Ne pouvant resister a ce desir bien legitime de
revoir encore quelques instants du passe, je resolus d'aller faire une
excursion de quelques semaines aupres du Lac a la Truite. et j'esperais
aussi retrouver les traces des trois brigands.
Deux jours apres mon depart, j'etais sur les bords de la riviere St.
Jean qui coule sur les limites: du Canada et des Etats-Unis.
Je n'avais pas encore rencontre une seule figure humaine, mais j'avais
constate des pistes differentes, les unes, sans aucun doute, appartenant
a des chasseurs blancs et les autres a des indiens, tel qu'il etait
facile de les reconnaitre aux moyens que prenaient les uns d'en cacher
les vestiges et les autres a l'empreinte plus franche et par consequent
plus ferme sur la terre boueuse.
Un soir assis devant mon feu, pendant la cuisson d'une piece de venaison
pour mon souper, je faisais un retour sur le passe et remontant le cours
de ma vie criminelle, je sentais le desespoir me gagner en songeant a
tout le mal que j'avais fait et aux moyens de le reparer.
Mes pensees me reporterent naturellement vers la soiree ou l'ame
gangrenee par l'idee d'une vengeance diabolique, j'avais partage mon
repas avec Paulo et l'avais associe a mes projets criminels.
J'etais absorbe dans ces idees lorsque les plaintes de mes chiens me
tirerent de ma reverie. Les pauvres betes n'avaient presque pas pris de
nourriture depuis mon depart de Ste. Anne. Je detachai, les pieces de
venaison qui etaient a la broche, et les leur abandonnai de grand coeur;
je me sentais incapable de manger.
Pendant que mes chiens devoraient leur repas j'eteignis soigneusement
mon feu, j'en fis disparaitre les traces, comme c'est la coutume de ceux
qui veulent cacher leurs campements.
Toutes ces precautions prises, je me replongeai de nouveau; dans mes
reflexions. Un bruit de voix me reveilla en sursaut et me fit sortir de
cet etat de somnolence.
J'avais choisi pour gite une clairiere qui dominait la foret. Des arbres
vigoureux environnaient le plateau ou j'avais fait cuire le repas
qui n'avait servi qu'a mes chiens, les rochers qui le surplombaient
laissaient des anfractuosites caverneuses, dans l'une desquelles je
m'etais tapi pour la nuit.
Mes chiens etaient parfaitement dresses, aussi lorsqu'ils voulurent
elever la voix pour m'avertir de l'approche d'etrangers, je leur imposai
silence et ils se coucherent a mes pieds sa
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