sortirent leurs couteaux et s'elancerent dans la
direction que le jure avait signale. Belandre comprit l'immensite du
danger. Il prit la fuite vers la demeure du gouverneur chaudement
poursuivi par les sauvages et la foule. Grace a l'agilite de ses jambes
et a la peur qui lui donnait des ailes, il put mettre en peu de temps
entre lui et ceux qui le poursuivaient, les gardes du gouverneur et les
portes du palais.
Disons de suite qu'il ne reparut jamais dans ces endroits et qu'il
alla dans une autre partie du pays repandre le venin de sa langue
empoisonnee.
Sans l'intervention de Monsieur Odillon, la foule aurait aussi fait un
fort mauvais parti aux jures.[1]
[Note 1: N. B. Quoique l'institution de Juge de Paix et celle de
jure soit d'une date bien posterieure a celle ou les evenements qui
sont decrits sont senses se passer, l'auteur a cru toutefois pouvoir se
permettre cet anachronisme que le lecteur voudra bien lui pardonner en
consideration du motif qui le lui a fait commettre. Sans etre en aucune
maniere contre ces deux institutions, on ne peut toutefois se dissimuler
qu'elles comportent parfois de graves inconvenients et occasionnent
souvent d'irreparables malheurs. Il suffit d'assister a une seance d'une
de ces cours de Juge de Paix dans les campagnes pour s'en convaincre. Un
homme, souvent depourvu de toute education et quelquefois meme du
plus gros bon sens s'eveille un bon matin tout etonne de recevoir une
commission de juge de paix. Il le doit quelquefois a l'appui qu'il a
donne a un candidat heureux. De suite le voila grand personnage, il
devient un tyranneau de paroisse. Il y a bien assez souvent pourtant de
graves difficultes, car a peine peut-il reussir quelquefois a signer son
nom d'une maniere lisible. Il est oblige de se faire lire la loi par un
voisin complaisant, sauf a l'interpreter comme il l'entendra plus tard.
Ces decisions, pour les parties lesees sont presqu'aussi sans appel que
celles des commissaires pour les decisions des petites causes puisque le
malheureux plaideur a a payer, le plus souvent, une somme au dessus
de ses moyens pour lever un _certiorari_ et obtenir justice. Nous en
connaissons meme et le nombre en est plus grand qu'on ne pense, qui ne
voient pas sans plaisir un homme contre lequel ils ont des ressentiments
personnels ou politiques, amene a leur tribunal. Ceux-la a coup sur sont
invariablement condamnes. Tous les Juges de Paix ne sont sans doute pas
de ce calibre, mais l
|