e d'arriver et pourtant je redoutais
le moment ou elle me demanderait des nouvelles d'Attenousse, car je
savais que ce serait la premiere question que sa mere et elle me
poseraient.
La quatrieme nuit, du haut d'une eminence, par un beau clair de lune,
je pus contempler le campement d'une partie de la tribu qui reposait
paisiblement sur les bords du lac. Je voyais la fumee qui s'echappait de
chaque toit et s'elevait en ondoyant pour se perdre dans l'immensite des
cieux.
Je pressai alors ma poitrine a deux mains pour arreter les palpitations
de mon coeur qui semblait pret a en sortir. Un des indiens qui
m'accompagnait me designa la demeure d'Angeline. Je sentais en
descendant la pente qui y conduisait mes jambes faiblir sous moi. Les
chiens de garde poussaient des hurlements inquiets et plaintifs pour
avertir leurs maitres que des etrangers arrivaient, j'avancais toujours
malgre la certitude ou j'etais que j'allais porter le desespoir dans cet
interieur. Quelques sauvages sortirent pour se rendre compte de ce bruit
insolite. Presque tous me reconnurent lorsque je passai devant eux, mais
ils rentrerent precipitamment, croyant que c'etait plutot mon esprit qui
venait les visiter tant ils etaient certains de ma mort et tant etait
grande la superstition qui les dominait, malgre les lumieres que le
christianisme leur avait donnees.
Enfin, je reussis a dominer quelque peu mon emotion et me dirigeai vers
la demeure de ma pauvre Angeline. Mes deux chiens que j'avais laisses
avant mon depart et qui avaient toujours montre pour elle un attachement
sans bornes, etaient etendus a la porte l'oeil et l'oreille au guet,
comme deux vigilantes sentinelles. Lorsqu'ils entendirent le bruit de
mes pas, ils se leverent et pousserent d'affreux hurlements auxquels
repondirent tous les autres chiens de la tribu, puis des qu'ils virent
que nous nous avancions vers la porte qu'ils gardaient soigneusement,
ils s'elancerent vers nous le poil herisse, l'oeil ardent, nous montrant
deux rangees de dents formidables. On eut dit qu'ils voulaient nous
barrer le passage. Je me sentis touche de ce devouement si vrai et si
desinteresse; je les appelai par leurs noms, ils reconnurent ma voix.
D'un saut, ils furent aupres de moi, vinrent me lecher les mains, firent
mille cabrioles en avant et autour de moi, allerent japper joyeusement
a la porte pour leur apprendre qu'un ami arrivait puis recommencaient
leurs gambades tant leur joie etait delirante.
J
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