s le mirent dans un
etat d'emotion considerable.
A la fin du recit, il vint affectueusement me presser la main et
m'embrassa. Il me demanda la permission de raconter aux passagers et
a l'equipage l'histoire de ma vie qui etait appuyee sur des preuves
irrecusables.
De ce moment, nous fumes l'objet des prevenances et des egards de tout
l'equipage, et si quelquefois le negre et moi nous mimes la main a la
manoeuvre, c'etait plutot pour aider volontairement, car chacun,
a l'exemple du capitaine, nous traitait d'une maniere tout-a-fait
respectueuse et amicale.
Le batiment, en passant, devait toucher a Boston. La je dus me separer
de mon compagnon d'infortune; non sans avoir offert au capitaine tout
l'or que je tenais de ma bienfaitrice, pour qu'il me donnat l'assurance
qu'il le rapatrierait dans un voyage qu'il devait faire vers les rives
de sa terre natale. Pour moi le chemin de Boston au Canada m'etait
parfaitement connu.
Au lieu d'accepter mon argent, le capitaine, les passagers meme
l'equipage firent une genereuse souscription pour nous deux. Ainsi nous
quittames apres les plus affectueuses expressions d'amitie et de bons
souvenirs. Ce fut en me pressant cordialement la main que le capitaine
me dit adieu, j'etais devenu son ami dans le voyage.
J'appris, quelques annees plus tard, lorsque je le revis par une
circonstance toute fortuite et que le batiment se trouvait dans le
meme port de mer ou j'etais, qu'il avait effectivement debarque mon
malheureux compagnon d'esclavage sur les rives de sa terre natale.
Le batiment, ajoutait-il, etait au large. Je fis mettre a l'eau un
de mes plus forts canots et le negre s'y embarqua en pleurant et me
temoignant une reconnaissance sans bornes. En mettant le pied a terre,
il se prosterna d'abord, embrassa les rivages d'ou il avait ete exile,
vint baiser la main de chacun des matelots qui l'avait conduit, puis
poussant un cri d'un bonheur indicible, il s'elanca vers les bois ou ils
le perdirent de vue!!
Telle fut l'histoire qui me fut repetee par quelques-uns des matelots
qui avaient conduit le canot.
Un mois apres mon debarquement a Boston, j'etais aux Trois-Rivieres.
Mais la m'attendait un des plus terribles drames dont ma vie si
tourmentee a ete quelquefois l'auteur, mais cette fois le temoin.
LE MEURTRE.
En y debarquant, le premier homme que je rencontrai face a face poussa
un wooh! de surprise, ses yeux s'arreterent sur moi avec une terreur et
un eto
|