tu pour
ma bravoure et les services que je leur avais rendus. Je les portais sur
ma poitrine ecrits sur parchemin. Je voulais de plus lui raconter ce que
j'avais souffert dans l'esclavage pour servir les francais et je croyais
que sans doute, il m'ecouterait.
Toutes ces idees me montaient le cerveau, je courais dans les rues,
j'avais tant hate d'arriver et d'aller porter a mon malheureux ami
l'ordre signe de la delivrance, car je ne doutais point du succes de ma
demarche.
Oh! je l'avoue aujourd'hui, transporte par cette esperance ou plutot par
la certitude que j'avais de reussir, je devais paraitre un fou forcene.
Les gens s'arretaient pour me voir passer. Ce fut dans cet etat que je
me presentai a la porte de la demeure du Gouverneur.
Je culbutai cinq a six gardes qui me refusaient l'entree. Je veux voir
le gouverneur, disais-je a toutes les objections qu'on me faisait et je
m'avancais toujours.
Enfin huit hommes vigoureux me saisirent et ne me continrent; qu'avec
les plus grands efforts.
J'etais dans le vestibule; le gouverneur sortit de son appartement,
s'avanca sur le palier de l'escalier et s'informa de la cause de ce
vacarme.
C'est un fou furieux, dit un des gendarmes, qui en veut peut-etre a
votre vie, Excellence. Oh! non, non, Excellence, m'ecriai-je, enjoignant
les mains, ce n'est pas un fou, c'est un homme qui vient implorer
quelques instants d'audience.
Il veut vous tuer, s'ecrierent plusieurs voix et on se precipita nouveau
sur moi.
La surexcitation dans laquelle j'etais decuplait mes forces, je
renversai les gardes et m'elancai sur le haut de l'escalier, la je
m'agenouillai, je priai, je suppliai, tout ce que ma voix pouvait
contenir de sanglots, mon ame de supplications et de desespoir furent
employes pour obtenir une entrevue ne dut-elle meme durer que cinq
minutes.
Mais au moment ou mes lamentations devaient etre des plus dechirantes et
des plus pressantes, pour toute reponse je fus saisi et garrotte.
Alors mes forces m'abandonnerent completement et un affreux
decouragement s'empara de moi. Dans cet etat, on me conduisit a la
prison, on m'enferma dans un obscur cachot et on m'enchaina comme un
miserable malfaiteur.
Lorsque j'entendis la porte se refermer sur moi, je sortis de mon
complet aneantissement, car depuis le palais jusqu'a la prison, j'avais
perdu l'usage de tous mes sens.
La fraicheur du cachot me ramena aux sentiments de la realite.
La prison des Trois-Rivieres,
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