naissance, Angeline, agenouillee dans un coin de ma chambre, avait
les mains elevees vers le ciel, elle recitait en pleurant, une fervente
priere, demandait a Dieu de conserver mes jours, promettant bien de
faire tout ce que j'ordonnerais; elle s'accusait d'etre la cause de mon
mal par le chagrin qu'elle me causait.
Cependant, je sentais aux deux bras une douleur tres-vive. Je relevai
mes manches et apercus les empreintes de doigts telles qu'en aurait
pu faire une main de fer. Or, pas un homme de la tribu, je le savais,
n'aurait pu imprimer par sa force musculaire de semblables meurtrissures
sur moi et ne l'aurait ose. Le souvenir de cette etreinte formidable me
revint a l'esprit. Etait-ce Octave ou un protecteur inconnu qui etait
venu sauver Angeline? On le saura.
Ce fut alors et peut-etre pour la premiere fois depuis bien des annees,
qu'en cherchant a repondre aux questions que je m'adressait, l'idee d'un
Dieu vengeur se presenta a ma pensee, et pour la premiere fois aussi des
larmes de repentir glisserent sur mes joues, Pendant ce temps, Angeline
priait toujours. Oh! comme dans ce moment, si je l'avais ose, je
l'aurais interrompue pour lui demander pardon. Quand elle eut termine
sa fervente priere, elle s'approcha de moi, me prit la main d'un air
timide; son regard etait charge de tristesse et de larmes. J'allais
parler pour la consoler lorsque des pas se firent entendre de ma cabane.
En meme temps, un beau jeune indien a la taille herculeenne, aux traits
males et francs s'arreta sur le seuil. Il portait le costume d'une
autre tribu sauvage, nos plus fideles amis. Je remarquai de plus avec
etonnement qu'il avait le tatouage et les armes du guerrier indien qui
parcourt les sentiers de la guerre. Il s'arreta immobile et attendit,
comme il est d'usage chez eux, que je lui adressasse la parole. Que veux
mon jeune frere, lui dis-je, en m'asseyant sur mon lit? Depuis quand
est-il dans le camp et pourquoi n'est-il pas venu fumer le calumet avec
l'Ours Gris (c'est ainsi qu'on me designait parmi les indiens dans le
wigwam du grand chef). Je suis venu, repondit-il, mais le mauvais genie
s'etait empare de l'esprit du Grand Chef et au moment ou je suis entre,
il allait ecraser la tete d'une pauvre jeune fille. "L'Ours Gris,
ajouta-t-il d'un air dedaigneux, n'a-t-il donc plus assez de force pour
combattre des hommes, puisqu'il s'attaque aujourd'hui aux femmes.
Le Grand Chef de Stadacone sera bien surpris, lorsque je lui dirai
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