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grands yeux vers moi: "Oh! mon pere, mon bon pere, dit-elle d'une voix
entrecoupee de sanglots, non! non! c'est impossible! Je veux toujours
demeurer avec toi, je te soignerai dans tes vieux jours et tacherai de
ne jamais te donner aucune cause de chagrin. Pardonnes-moi, toi qui est
si bon, car il faut que, sans intention, j'aie fait des choses bien
mauvaise qui ont pu te deplaire, pour que tu veuilles me livrer a
cet infame. Si tu l'exiges, mon pere, je laisserai la cabane et n'y
reviendra que pour preparer tes repas et prendre soin de toi lorsque tu
seras malade. Je ne te demande pour toute nourriture que de partager
avec les chiens les restes que tu nous abandonnera; je t'aimerai
autant que je le fais et te servirai aussi bien que je le pourrai. Je
m'etendrai a la porte de ton wigwam et serai toujours prete a repondre a
ton appel. Non jamais je me plaindrai car je te sais bon et juste et a
force du soins et de prevenances, je te ferai peut-etre oublier le mal
que je t'ai fait sans le vouloir; mais au nom du ciel, au nom de tout ce
que tu as de plus cher sur la terre, oh! ne me livres pas, ne me donnes
pas a ce miserable." En disant ces mots, la miserable enfant embrassait
mes pieds et versait des larmes capables d'attendrir un rocher.
Quels mepris ne devront pas avoir pour moi ceux qui liront ces lignes et
quelle horreur n'ai-je pas ressentie depuis quinze ans contre moi meme
au souvenir de cette scene dechirante. Non, dans ce moment je n'etais
pas une creature de Dieu, je n'etais pas meme un homme, j'etais un
veritable demon incarne. Une joie feroce parcourut tout mon etre et
comme l'eclair, la rage et la jalousie que j'avais nourries depuis si
longtemps eclaterent plus effrayante que jamais.
Au lieu d'etre attendri, je saisis l'enfant dans mes bras et allais lui
briser la tete sur la pierre du foyer, lorsque l'eblouissement et la
vision des yeux de Marguerite passerent devant moi. En meme temps mes
deux bras se trouverent serres comme dans un etau, cette fois encore,
tous les objets disparurent a ma vue et les mots "frappe si tu l'oses"
retentirent a mes oreilles.
Mes terribles passions a force de violence avaient enfin fini par
influer sur ma constitution. Un medecin que j'avais consulte dans une de
mes excursions, m'avait prevenu que si je ne moderais pas la fougue de
mes emportements, je ressentirais bientot les atteintes du _Haut
Mal_. Toujours est-il que dans le cours de la nuit, lorsque je repris
con
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