lement pour punition de cette faute que nous avions ete
flagelles, tout le monde savait bien aussi dans la plantation que la
vraie raison etait que le negre et moi nous avions exprime un sentiment
d'indicible horreur de voir une jeune quarteronne, enfant du vendeur,
exposee nue a la criee publique. Un acheteur d'esclaves menait
l'enchere. C'etait un vieillard aux regards lascifs et pleins de
convoitise. La mere de cette jeune fille, elevee dans des sentiments
catholiques, voyait avec desespoir le spectacle auquel on la forcait
d'assister. On peut juger de ce qu'elle devait eprouver et de ce que
j'eprouvais moi-meme en songeant: Oh si c'etait mon Angeline qui fut a
la place de cette malheureuse!!
Enfin l'adjudication se fit, l'odieux vieillard etait l'acquereur, elle
etait desormais son bien, sa propriete.
Combien pourtant ne s'est-il pas trouve d'hommes qui voyaient avec
indignation le mouvement qui se faisait pour l'abolition de l'esclavage.
La mere, quand elle vit partir son enfant, s'approcha d'elle en poussant
des sanglots dechirants; elle la pressa sur son coeur et lui passa une
croix autour du cou.
Le contre-maitre se precipita aussitot vers elles, les separa
brutalement, envoya rouler par terre la malheureuse mere par un rude
coup de poing et arracha violemment la croix qu'elle avait suspendue
au cou de son enfant, le cordon qui la retenait laissa sur sa peau un
sanglant sillon.
Oh! si j'avais ete libre et que j'eusse eu autour de moi mes braves
sauvages, non, certes cet acte execrable ne se fut pas accompli.
J'allais m'elancer pour aneantir le contre-maitre tant j'etais hors
de moi, le negre spontanement allait aussi en faire autant, mais nos
chaines infames nous retinrent. Le contre-maitre vit sans doute le
mouvement que nous fimes, il comprit, a l'expression de nos figures,
toute l'horreur qu'il nous inspirait; aussi instinctivement recula-t-il
de quelques pas. Le lendemain le negre et moi etions attaches au poteau
dont j'ai parle.
Ce fut donc dans la nuit qui suivit, lorsque nous etions fortement lies
sur des lits de paille remplie de chardons sur lesquels reposaient nos
chairs mises au vif par leurs affreuses cruautes, qu'accompagnee d'une
jeune esclave, notre liberatrice entra dans notre hutte. Elle portait
une lanterne sourde, en dirigea la lumiere vers son visage pour que nous
vimes le signe qu'elle nous faisait en mettant le doigt a sa bouche, de
garder le silence.
Elle s'approcha ensui
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