te de nous, deposa des livres a notre portee,
pondant que la servante nous montrait un ample sac de provisions et des
vetements convenables pour servir a notre deguisement. Elle dit ensuite
quelques mois en espagnol que cette derniere nous traduisit: A un
endroit qu'elle nous indiqua, un canot avait ete dispose pour favoriser
noire fuite. En descendant la riviere, nous n'aurions pas a craindre
la poursuite des hommes ou des chiens. Un papier ou la signature du
planteur etait contrefaite nous accordait un conge de deux semaines.
Elle nous informa de plus que dans trois jours, dans le port de
Charlestown, un batiment francais devait mettre a la voile pour
l'Europe.
Pour comble de bienfaits notre liberatrice nous remit deux bourses bien
garnies et s'eloigna non sans que nous eussions eu le temps de voir
son angelique figure inondee de pleurs. Nous suivimes a la lettre les
instructions de notre ange de salut. Le canot effectivement se trouvait
a l'endroit designe. Ce qu'il nous avait fallu deployer d'energie, de
forces morales et physiques pour reussir a briser nos liens et marcher
jusque la est impossible a decrire, tant nous etions epuises par les
tortures de la veille.
J'ai vu, depuis ce temps, dans les rapports des chirurgiens militaires
anglais que les soldats obliges de subir des amputations capitales,
disaient a l'operateur: oh! ce n'est rien, monsieur, les blessures et
les amputations ne produisent jamais les souffrances que nous fait
endurer le chat a neuf queues!
Enfin la Providence sembla favoriser notre evasion, car la nuit etait
des plus sombres; tout faisait presager un orage pret a eclater, ce fut
effectivement ce qui arriva; mais toutefois nous reussimes avant que le
crepuscule parut et que l'horizon s'eclaira, a mettre une bonne distance
entre nous et ceux qui nous poursuivaient.
Mon experience dans la vie des bois m'avait fait connaitre une plante
dont la friction aux pieds trompe le flair du plus fin limier qui
precede les dogues qu'on lance a la poursuite de l'esclave marron.
Le jour, nous transportions a quelque distance dans les bois notre
embarcation qui n'etait rien autre chose qu'un canot d'ecorce, puis, la
nuit tombee, nous reprenions la riviere et notre frele nacelle, poussee
par le courant et nos energiques efforts volait sur la surface des eaux
avec la rapidite de l'alouette.
Dans la nuit de la troisieme journee, nous aspirames a pleins poumons
les emanations salees de l'ocean. Nous
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