s frapper, quand un
eblouissement me saisit, il ne dura pas une seconde, mais il fut assez
long pour produire un tremblement dans tous mes membres. Marguerite avec
son effroyable regard etait entre son enfant et moi, pendant qu'a mon
oreille resonnaient ces mots de menace et de defit "frappes si tu
l'oses" en meme temps que ses yeux jetaient des flammes.
Je lancai au loin mon baton, saisis Angeline dans mes bras et pris ma
course poursuivi par cette terrible vision. Lorsque j'arrivai haletant
et epuise a l'endroit ou devait se trouver la cabane, il n'y avait plus
qu'un monceau de cendres et quelques morceaux de bois que l'incendie
n'avait pu devorer.
Malgre mon extreme fatigue, je profitai des dernieres lueurs du
crepuscule pour chercher un gite. Un rocher ayant un enfoncement qui
pouvait donner abri a une seule personne, se presenta a ma vue. J'y fis
entrer Angeline, lui donnai quelques aliments et fermai l'ouverture avec
les restes des pieces de bois que le feu avait epargnees; puis je
me glissai sons un amas d'arbres que le vent avait renverses et qui
formaient par leurs branches une toiture presque impermeable.
Il etait grand temps, car en ce moment la tempete eclatait dans toute sa
fureur. Bien des fois j'avais pris plaisir a voir le choc terrible que
les elements dans leur colere insensee se livrent entre eux. J'entendais
alors sans crainte roulements du tonnerre, et je n'avais pas ete emu en
voyant la foudre ecraser des arbres gigantesques a quelques pas de moi.
Je croyais avoir vu en fait d'ouragans tout ce que la nature peut offrir
de plus effroyable; mais jamais je n'avais ete temoin d'un tumulte
pareil, les eclats du tonnerre etaient accompagnes de torrents de grele
et de pluie. Le vent avec une rage indicible passait au travers des
branches, s'enfoncait dans les anfractuosites des rochers avec des cris
aigres et discordants qui vous glacaient de terreur. Sous sa puissante
etreinte, les arbres s'entrechoquaient avec de douloureux gemissements.
Il me semblait voir leurs troncs se tordre en tous sens, pour echapper a
la force irresistible de cet ennemi invisible. Je suivais en imagination
les peripeties de cette, lutte supreme; mais bientot, un craquement
prolonge m'annonca qu'un des geants de nos forets venait de tomber,
entrainant dans sa chute les arbres voisins qui n'avaient pu supporter
son poids enorme. Pendant ce temps, les eclairs se succedaient sans
interruption, le firmament etait en feu, on eut
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