tant de repos et aussi vite qu'il etait possible. Vers la
fin de la journee, je fus oblige d'entreprendre de la porter jusqu'a une
hutte que je savait etre sur la lisiere des bois et ou j'avais decide de
passer la nuit.
Le sentier que j'avais choisi pour revenir, n'etait pas le meme que
j'avais suivi les jours precedents. Autant le premier etait rempli de
vie, de clarte et de fraicheur sous le couvert des grands arbres,
autant celui-ci etait triste et desole. Je l'avais prefere parce qu'il
abregeait notre route. Il serpentait a travers des savanes et des
fondrieres a perte de vue. Quelques mousses brulees, quelques arbres
rabougris epars ca et la, faisaient contraste avec les magnifiques
chenes qui bordaient le premier. A part quelques couleuvres ou autres
reptiles qui traversaient notre sentier, et se glissaient sous l'herbe
dessechee, point de gaite, point de chants des oiseaux. Seul parfois, un
heron solitaire envoyait une ou deux notes gutturales et monotones, puis
tout retombait dans le silence.
Le soleil si brillant le matin, avait pris une lueur sombre. De
blafardes et epaisses vapeurs l'obscurcissaient, et le faisaient
paraitre comme entoure d'un cercle de fer chauffe a blanc. L'atmosphere
etait lourde et suffocante, pas un souffle ne se faisait sentir.
Habitue par ma vie errante a observer les astres et les changements de
temperature, il me fut aise de prevoir l'approche d'un de ces terribles
ouragans qui sont heureusement assez rares dans nos climats.
La distance qui nous separait du lieu ou nous devions passer la nuit
etait encore considerable, il fallait doubler le pas si nous voulions
y parvenir avant que l'orage eclatat, tel que tout dans la nature nous
l'annoncait. Exaspere moi-meme par la fatigue et les mille passions qui
me dominaient, je deposais Angeline de temps a autre et la forcais de
marcher. Elle etait epuisee; elle trebuchait a chaque pas, et malgre
cela, je la brutalisais pour la faire avancer encore plus vite. Depuis
plusieurs heures, je lui parlais d'une voix menacante. J'etais le maitre
desormais, elle une victime orpheline. Enfin elle s'affaissa au milieu
du sentier, puis joignant les mains et jetant sur moi un regard baigne
de larmes, "Pere, dit-elle, je ne puis aller plus loin." Je grincai des
dents et levai mon baton sur elle, elle baissa la tete. "Tue moi si tu
veux, je le merite bien, ajouta-t-elle, en pleurant plus fort, car je
n'ai plus la force de me soutenir." Furieux, j'allai
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