e commerce pour ne pas vouloir reprendre des le soir meme les
habitudes de toute sa vie; aussi, malgre les fatigues d'un voyage de
vingt-deux heures, voulut-elle, apres le diner, aller coucher rue
Royale.
--Je vais t'accompagner, lui dit son fils.
A peine dans la rue, Leon se pencha a l'oreille de sa mere:
--Comment trouves-tu Madeleine? lui demanda-t-il.
L'intonation de cette question etait si douce, que madame
Haupois-Daguillon s'arreta surprise et, s'appuyant sur le bras de son
fils, elle forca celui-ci a la regarder en face:
--Pourquoi me demandes-tu cela? lui dit-elle.
--Mais pour savoir ce que tu penses maintenant de Madeleine, que tu
n'avais pas vue depuis deux ans.
--Et pourquoi tiens-tu tant a savoir ce que je pense de Madeleine?
--Pour une raison que je te dirai quand tu auras bien voulu me repondre.
Ces quelques paroles s'etaient echangees rapidement; la voix du fils
etait emue; celle de la mere etait inquiete.
Cependant tous deux avaient pris le ton de l'enjouement.
--Sur quoi porte ta question? demanda madame Haupois-Daguillon, qui
paraissait vouloir gagner du temps et peser sa reponse avant de la
risquer.
--Comment sur quoi? Mais sur Madeleine, puisque c'est d'elle que je te
parle.
--J'entends bien, mais toi aussi tu m'entends bien; tu me demandes
comment je trouve Madeleine; est-ce de sa figure que tu parles? de son
esprit, de son coeur, de son caractere?
--De tout.
--Quand je voyais Madeleine, elle etait une bonne petite fille,
intelligente.
--N'est-ce pas?
--Douce de caractere et d'humeur facile.
--N'est-ce pas? et pleine de coeur.
--Elle etait tout cela alors, mais ce qu'elle est maintenant je n'en
sais rien; deux annees changent beaucoup une jeune fille.
--Assurement, mais moi qui, depuis dix jours, vis pres d'elle, je puis
t'assurer que, s'il s'est fait des changements dans le caractere de
Madeleine, ils sont analogues a ceux qui se sont faits dans sa personne.
--Il est vrai qu'elle a embelli et qu'elle est charmante.
--Alors que dirais-tu si je te la demandais pour ma femme?
--Je dirais que tu es fou.
X
Lorsque pendant trente ans on a dirige une grande maison de commerce,
avec une armee d'employes ou d'ouvriers sous ses ordres, on a pris bien
souvent dans cette direction des habitudes d'autorite qu'on porte dans
la vie et dans le monde; partout l'on commande, et a tous, sans admettre
la resistance ou la contradiction.
C'etait le ca
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