'ou il ne tarda pas a souffler en tempete: toutes les barques revinrent
a la cote, et sur la mer demontee on n'apercut plus a l'horizon que de
grands navires: le bateau de Pecune, que depuis sept jours on etait
habitue a voir du matin au soir courir des bordees devant Bernieres, dut
aborder ne pouvant plus tenir la mer.
Aussitot a terre, Pecune vint trouver Madeleine dans la cabine ou elle
se tenait avec Leon.
--J'ai resiste tant que j'ai pu, dit-il, mais il n'y avait plus moyen
de rester a la mer, excusez-moi, mamzelle.
Madeleine inclina la tete.
--Faut pas que cela vous desole, continua Pecune, c'est un bon vent pour
votre malheureux, il porte a le cote; soyez sure que demain ou
apres-demain il doit aborder.
Comme elle levait la main avec un signe d'incredulite et de
desesperance, Pecune se pencha vers elle, et d'une voix basse:
--Croyez-moi, mamzelle, quand je vous dis que le neuvieme jour les noyes
qui n'ont pas ete retrouves se levent eux-memes dans la mer et se
mettent en marche pour venir se coucher dans la terre benite; s'ils ne
sont pas trop loin ou si le vent est favorable ils abordent; ils ne
restent en route que si le chemin a faire est trop long ou si le vent
leur est contraire. Vous voyez bien que le vent est bon presentement.
Rentrez chez vous, mamzelle, et mettez des draps blancs au lit de votre
pauvre pere.
Le vent continua de souffler du nord pendant trente-six heures, puis il
faiblit mais sans tomber completement.
Le matin du neuvieme jour Leon vit arriver l'homme qui avait la garde du
rivage de Bernieres: M. Haupois venait d'aborder sur la greve, selon la
prediction de Pecune.
L'enterrement eut lieu le meme jour a trois heures de l'apres-midi, et
le soir Leon monta avec Madeleine dans le train qui arrive a Paris a
cinq heures du matin.
Pendant ces neuf jours il avait execute l'acte de derniere volonte de
son oncle, il etait reste pres de Madeleine, "elle avait trouve en lui
une main qui l'avait soutenue, et un coeur dans lequel elle avait pu
pleurer."
Mais sa tache n'etait pas finie.
IX
Avant de quitter Saint-Aubin, Leon avait envoye une depeche pour qu'on
preparat a Madeleine un appartement dans la maison de la rue de
Rivoli,--celui que sa soeur occupait avant son mariage.
En arrivant il la conduisit lui-meme a son appartement:
--Te voila chez toi, dit-il; tu vois que cette chambre est celle de
Camille; maintenant elle est la tienne: la soeur cadette prend
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