ere,
avec plusieurs annees par-dessus le marche. Non, non, a Dieu ne plaise
que j'oublie ainsi tous mes devoirs! Moindre est mon ambition, et
cependant j'ai bien peur qu'elle ne soit encore au-dessus de mes
esperances. Maintenant que j'ai de quoi vivre, avec un beau grade, il me
semble que je pourrais obtenir la main d'une belle fille de Normandie,
avenante et bonne, qui me permettrait de l'aimer et peut-etre aussi de
fonder une famille avec son aide et sa protection. Vous m'avez raconte
plusieurs fois, Mariette, que du chef de votre pere et de votre mere
vous etiez proprietaire d'une ferme a dix lieues d'ici. Ajoutee a mes
pensions, qui seront reglees avant peu, cette ferme est une fortune.
Enfin, si vous etes plus jeune que moi, je puis du moins, sans trahir
les lois naturelles, solliciter une si belle union.
Il parlait encore; en ce moment parut Louise au bras de son pere et, les
voyant qui se tenaient par la main, Mlle de Beaulieu comprit toutes les
choses qu'ils venaient de se dire. Elle passa tour a tour d'une grande
paleur a l'incarnat de la pivoine, et pour cacher sa rougeur elle se
jeta dans les bras de son pere. Alors, prenant son courage a deux mains,
le colonel Martin, tete nue et debout:
--Mon general, dit-il, avec la permission de sa jeune maitresse,
accordez-moi la main de Mlle Mariette. Elle ne m'a rien dit encore;
c'est la premiere fois que je lui parle mariage, et cependant je sais
qu'elle ne me refusera pas d'unir sa destinee a celle d'un officier de
fortune.
On eut pu voir en ce moment, sur le visage du general, un contentement
qu'il ne cherchait pas a cacher.
--Qu'il soit fait ainsi que vous le desirez, mon cher camarade. Apprenez
que je marie en meme temps Mlle de Beaulieu avec son cousin le comte
d'Escars, un des plus beaux noms de France, et j'en suis bien heureux.
Le mariage de Mariette et du colonel Martin fut un mariage a la
hussarde. On y mit de part et d'autre un grand empressement. L'eglise et
le regiment firent de leur mieux pour cette heureuse ceremonie. On eut
dit que le ciel meme avait voulu sa part dans ces justes noces.
Depuis tantot trois mois le soleil brulait la plaine, et la terre, au
desespoir, subissait nuit et jour des astres implacables. Les premieres
gouttes de la pluie, appelee a grand renfort de prieres, tomberent
juste au moment ou Mariette, au bras du general, touchait le seuil de
Saint-Etienne. Alors la fiancee, avec un geste pieux, offrit son voile a
la pluie
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