se,
qu'attestaient ses oeuvres trop rares, et dont ses amis particuliers
avaient joui. Sincerement bonhomme, quoiqu'il affectat un peu cette
ressemblance avec La Fontaine, fertile en anecdotes choisies et bien
dites, causeur toujours ecoute [105], moralisant beaucoup, et rajeunissant
par le ton ou l'a-propos les verites et les conseils qui, sur ses
levres, n'etaient jamais vulgaires, M. Andrieux a fait, avec un talent
qui pouvait sembler de mediocre haleine, ce que bien des talents plus
forts ont trouve trop long et trop lourd; il a fourni une carriere non
interrompue de dix-huit annees de professorat; et, comme il le disait
lui-meme a sa derniere lecon, il est mort presque sur la breche.
[Note 105: On sait le joli mot de M. Villemain a propos de cette voix
faible de M. Andrieux, qui n'etait qu'un filet et qu'un souffle: "Il se
fait entendre a force de se faire ecouter."]
Dans le professeur on retrouvait encore le conteur, l'auteur comique; il
avait du bon comedien; il lisait en perfection, avec un art infini, il
jouait et dialoguait ses lectures. Avec son filet de voix, avec une
mimique qui n'etait qu'a lui, il tenait son auditoire en suspens, il
excellait a mettre en scene et comme en action de petits preceptes, de
jolis riens qui ne s'imprimeraient pas.
Dans les querelles litteraires qui s'etaient elevees durant les
dernieres annees, l'opinion de M. Andrieux ne pouvait etre douteuse;
cette opinion lui etait dictee par ses antecedents, ses souvenirs, la
nature de son gout, les qualites qu'il avait, et aussi par l'absence de
celles qu'il n'avait pas; mais sa bienveillance naturelle ne s'alterait
jamais, meme en s'aiguisant de malice; il embrassait peu les
innovations, il raillait de sa vois fine les novateurs, mais comme il
aurait raille M. Poinsinet, en homme de grace et d'urbanite; point de
gros mot ni de tonnerre.
M. Andrieux est reste fidele, toute sa vie, aux doctrines philosophiques
et politiques de sa jeunesse. Il melait volontiers a son enseignement
des preceptes evangeliques qui rappelaient la maniere morale de
Bernardin de Saint-Pierre: il prechait l'amour des hommes et
l'indulgence, comme il convenait a l'ami de Collin l'optimiste, du bon
Ducis, et au peintre d'Helvetius. Politiquement, M. Andrieux a fait
preuve d'une constante fermete qui ne s'est jamais dementie, soit au
fort de la Revolution ou il se maintint par d'exces, soit au sein du
Tribunal ou il lutta contre l'usurpation despotique et merit
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