isait a expliquer et a
dominer le passe, et qui comptait faire l'avenir. _Le Globe_, fonde en
1824, vint operer une sorte de revolution dans la critique, et, par
son vif et chaleureux eclectisme, realisa une certaine unite entre des
travaux et des hommes qui ne se seraient pas rapproches sans cela. Sur
la masse constitutionnelle et liberale, fonds estimable mais assez peu
eclaire de l'Opposition, il s'organisa donc une elite nombreuse et
variee, une brillante ecole a plusieurs nuances; philosophie, histoire,
critique, essai d'art nouveau, chaque partie de l'etude et de la pensee
avait ses hommes. Je n'indique qu'a peine l'art, parce que, bien que
sorti d'un mouvement parallele, il appartient a une generation un peu
plus recente, et, a d'autres egards, trop differente de celle que
nous voulons ici caracteriser. Quoi qu'il en soit, vers la fin de la
Restauration, et grace aux travaux et aux luttes enhardies de cette
jeunesse deja en pleine virilite, le spectacle de la societe francaise
etait mouvant et beau: les esperances accrues s'etaient a la fois
precisees davantage; elles avaient perdu peut-etre quelque chose de ce
premier mysticisme plus grandiose et plus sombre qu'elles devaient,
en 1823, a l'exaltation solitaire et aux persecutions; mais l'avenir
restait bien assez menacant et charge d'augures pour qu'il y eut place
encore a de vastes projets, a d'heroiques pressentiments. On allait a
une revolution, on se le disait; on gravissait une colline inegale, sans
voir au juste ou etait le sommet, mais il ne pouvait etre loin. Du haut
de ce sommet, et tout obstacle franchi, que decouvrirait-on? C'etait la
l'inquietude et aussi l'encouragement de la plupart; car, a coup sur, ce
qu'on verrait alors, meme au prix des perils, serait grand et consolant.
On accomplirait la derniere moitie de la tache, on appliquerait la
verite et la justice, on rajeunirait le monde. Les peres avaient du
mourir dans le desert, on serait la generation qui touche au but et
qui arrive. Tandis qu'on se flattait de la sorte tout en cheminant, le
dernier sommet, qu'on n'attendait pourtant pas de sitot, a surgi
au detour d'un sentier; l'ennemi l'occupait en armes, il fallut
l'escalader, ce qu'on fit au pas de course et avant toute reflexion.
Or, ce rideau de terrain n'etant plus la pour borner la vue, lorsque
l'etonnement et le tumulte de la victoire furent calmes, quand la
poussiere tomba peu a peu et que le soleil qu'on avait d'abord devant
soi eut ce
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