ont merite ce chatiment. Mais peut-etre
ecouterez-vous encore la voix de vos misericordes: _Multa flagella
peccatoris, sperantem autem_, etc. J'espere en vous, o mon Dieu! mais je
serai soumis a votre arret, quel qu'il soit. J'eusse prefere la mort;
mais je ne meritais pas le ciel, et vous n'avez pas voulu me plonger
dans l'enfer. Daignez me secourir pour qu'une vie passee dans la douleur
me merite une bonne mort dont je me suis rendu indigne. O Seigneur, Dieu
de misericorde, daignez me reunir dans le ciel a ce que vous m'aviez
permis d'aimer sur la terre!"
Ce serait mentir a la memoire de M. Ampere que d'omettre de telles
pieces quand on les a sous les yeux, de meme que c'eut ete mentir a la
memoire de Pascal que de supprimer son petit parchemin. M. de Condorcet
lui-meme ne l'oserait pas.
Sur la recommandation de M. Delambre, M. Lacuee de Cessac, president de
la section de la guerre, nomma en vendemiaire an XIII (1804) M. Ampere
repetiteur d'analyse a l'Ecole polytechnique. Celui-ci quitta Lyon qui
ne lui offrait plus que des souvenirs dechirants, et arriva dans la
capitale, ou pour lui une nouvelle vie commence.
De meme qu'en 93, apres la mort de son pere, il n'etait parvenu a sortir
de la stupeur ou il etait tombe que par une etude toute fraiche, la
botanique et la poesie latine, dont le double attrait l'avait ranime,
de meme, apres la mort de sa femme, il ne put echapper a l'abattement
extreme et s'en relever que par une nouvelle etude survenante, qui fit,
en quelque sorte, revulsion sur son intelligence. En tete d'un des
nombreux projets d'ouvrages de metaphysique qu'il a ebauches, je trouve
cette phrase qui ne laisse aucun doute: "C'est en 1803 que je commencai
a m'occuper presque exclusivement de recherches sur les phenomenes aussi
varies qu'interessants que l'intelligence humaine offre a l'observateur
qui sait se soustraire a l'influence des habitudes." C'etait s'y prendre
d'une facon scabreuse pour tenir fidelement cette promesse de soumission
religieuse et de foi qu'il avait scellee sur la tombe d'une epouse.
N'admirez-vous pas ici la contradiction inherente a l'esprit humain,
dans toute sa naivete? La Religion, la Science, double besoin immortel!
A peine l'une est-elle satisfaite dans un esprit puissant, et se
croit-elle sure de son objet et apaisee, que voila l'autre qui se releve
et qui demande pature a son tour. Et si l'on n'y prend garde, c'est
celle qui se croyait sure qui va etre ebranlee ou devore
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