e de vos anciennes
affections. Je sais, mon pauvre et cher ami, tout ce que vous pouvez
me repondre; je sais qu'un second mariage dans cette ville vous
repugnerait; mais, de bonne foi, cette repugnance n'est-elle pas un
enfantillage? Eh! mon Dieu! dans le monde, ou tous les sentiments
s'affaiblissent, ou toutes les douleurs morales finissent, on
trouvera tres-naturel votre second mariage; on croira qu'il est le
fruit de l'inconstance de nos affections et de l'instabilite de nos
sentiments, meme les plus vils et les plus profonds. Mais ceux qui
connaissent mieux le coeur humain, ceux qui auront etudie un peu le
votre, ceux enfin dont l'opinion et l'amitie peuvent etre quelque
chose pour vous, sauront bien que votre ame expansive a besoin d'une
ame qui reponde a chaque instant a la votre. Ainsi, dans tous les
cas, vous serez justifie: les indifferents, comme vos connaissances
et vos amis, trouveront cela tres-naturel. Voyez, mon cher ami, a
quoi vous etes expose. La solitude ne vous vaut rien, non plus
qu'a moi. Revenez au milieu de vos amis, et mariez-vous dans votre
patrie....
"... Au risque de vous facher, je dois vous dire ici la verite. Vous
ne savez pas encore ce que c'est que de resister a vos penchants, et
c'est ainsi que vous vous exposez a les faire devenir de veritables
passions. Croyez-vous donc que tout aille dans le monde au gre de
chacun? Comptez-vous donc pour rien cette grande vassalite qui nous
soumet et nous entraine a chaque instant? Etudiez votre coeur,
descendez dans votre ame, et lorsque vous apercevrez un sentiment
nouveau, cherchez a savoir s'il est raisonnable. N'attendez pas pour
eteindre un feu de cheminee que ce soit devenu un grand incendie.
Il y a des malheurs sans remede, il faut nous consoler. Il y a des
malheurs que notre faute a occasionnes ou empires, il faut nous
corriger. Les petites choses vous agitent, que doit-ce etre des
grandes?... Moderez-vous sur les choses indifferentes de la vie, et
vous parviendrez a etre modere sur les choses importantes..."
Et pour conclusion finale:
"Ceux qui nous connaitraient bien comprendraient la raison des
inconsequences de Jean-Jacques Rousseau."
M. Ampere ne retourna pas a Lyon: il resta a Paris, plus actif d'idees
et de sentiments que jamais. Il se remaria au mois de juillet meme de
cette annee: ce second mari
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