ent aisement l'auditeur de l'ensemble du plan, que le maitre
oubliait aussi quelquefois, mais qu'il retrouvait tot ou tard a travers
ces detours. On se sentait bien avec lui en pleine intelligence humaine,
en pleine et haute philosophie anterieure au XVIIIe siecle; on se serait
cru, a cette ampleur de discussion, avec un contemporain des Leibniz,
des Malebranche, des Arnauld; il les citait a propos, familierement,
meme les secondaires et les plus oublies de ce temps-la, M. de La
Chambre, par exemple; et puis on se retrouvait tout aussitot avec le
contemporain tres-present de M. de Tracy et de M. de Laplace. On aurait
fait un interessant chapitre, independamment de tout systeme et de tout
lien, des cas psychologiques singuliers et des veritables decouvertes
de detail dont il semait ses lecons. J'indique en ce genre le phenomene
qu'il appelait de _concretion_, sur lequel on peut lire l'analyse de
M. Roulin inseree dans l'_Essai de classification des Sciences_.
Je regrette que M. Roulin n'ait pas fait alors ce chapitre de
_miscellanees_ psychologiques, comme il en a fait un sur des
singularites d'histoire naturelle.
A partir de 1816, la petite societe philosophique qui se reunissait chez
M., de Biran avait pris plus de suite, et l'emulation s'en melait. On y
remarquait M. Stapfer, le docteur Bertrand, Loyson, M. Cousin. Anime par
les discussions frequentes, M. Ampere etait pres, vers 1820, de produire
une exposition de son systeme de philosophie, lorsque l'annonce de la
decouverte physique de M. Oersted le vint ravir irresistiblement dans un
autre train de pensees, d'ou est sortie sa gloire. En 1829, malade et
reparant sa sante a Orange, a Hieres, aux tiedeurs du Midi, il revint,
dans les conversations avec son fils, a ses idees interrompues; mais
ce ne fut plus la metaphysique seulement, ce fut l'ensemble des
connaissances humaines et son ancien projet d'universalite qu'il se
remit a embrasser avec ardeur. L'Epitre en vers que lui a adressee son
fils a ce sujet, et le volume de l'_Essai de classification_ qui a paru,
sont du moins ici de publics et permanents temoignages. M. Ampere, en
meme temps qu'il sentait la vie lui revenir encore, dut avoir, en cette
saison, de pures jouissances. S'il lui fut jamais donne de ressentir un
certain calme, ce dut etre alors. En reportant son regard, du haut de la
montagne de la vie, vers ces sciences qu'il comprenait toutes, et dont
il avait agrandi l'une des plus belles, il put atteind
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