ncyclopedique_,
Novembre 1832).]
Apres avoir tant fait, tant pense, sans parler des inquietudes
perpetuelles du dedans qu'il se suscitait, on concoit qu'a soixante et
un ans M. Ampere, dans toute la force et le zele de l'intelligence, eut
use un corps trop faible. Parti pour sa tournee d'inspecteur general, il
se trouva malade des Roanne; sa poitrine, sept ans auparavant, apaisee
par l'air du Midi, s'irritait cette fois davantage: il voulut continuer.
Arrive a Marseille, et ne pouvant plus aller absolument, il fut soigne
dans le college, et on esperait prolonger une amelioration legere,
lorsqu'une fievre subite au cerveau l'emporta le 10 juin 1836, a cinq
heures du matin, entoure et soigne par tous avec un respect filial, mais
en realite loin des siens, loin d'un fils.
Il resterait peut-etre a varier, a egayer decemment ce portrait, de
quelques-unes de ces naivetes nombreuses et bien connues qui composent,
autour du nom de l'illustre savant, une sorte de legende courante, comme
les bons mots malicieux autour du nom de M. de Talleyrand: M. Ampere,
avec des differences d'originalite, irait naturellement s'asseoir entre
La Condamine et La Fontaine. De peur de demeurer trop incomplet sur ce
point, nous ne le risquerons pas. M. Ampere savait mieux les choses de
la nature et de l'univers que celles des hommes et de la societe. Il
manquait essentiellement de calme, et n'avait pas la mesure et la
proportion dans les rapports de la vie. Son coup d'oeil, si vaste et
si penetrant au dela, ne savait pas reduire les objets habituels. Son
esprit immense etait le plus souvent comme une mer agitee; la premiere
vague soudaine y faisait montagne; le liege flottant ou le grain de
sable y etait aisement lance jusqu'aux cieux.
Malgre le prejuge vulgaire sur les savants, ils ne sont pas toujours
ainsi. Chez les esprits de cet ordre et pour les cerveaux de haut genie,
la nature a, dans plus d'un cas, combine et proportionne l'organisation.
Quelques-uns, armes au complet, outre la pensee puissante interieure,
ont l'enveloppe exterieure endurcie, l'oeil vigilant et imperieux, la
parole prompte, qui impose, et toutes les defenses. Qui a vu Dupuytren
et Cuvier comprendra ce que je veux rendre. Chez d'autres, une sorte
d'ironie douce, calme, insouciante et egoiste, comme chez Lagrange,
compose un autre genre de defense. Ici, chez M, Ampere, toute la
richesse de la pensee et de l'organisation est laissee, pour ainsi dire,
plus a la merci des
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