esperance d'y parvenir, en se montrant entre lui et moi. Il a donc
fallu y renoncer, et je suis venu par la route du Bourg au village
de Ceyzeriat, plantee de peupliers d'Italie qui en font une superbe
avenue;... j'avais a la main un paquet de plantes."
La jolie eglise de Brou n'est pas oubliee ailleurs dans ses recits.
Voila bien des promenades tout au long, comme les aimaient La Fontaine
et Ducis.--Je voudrais que les jeunes professeurs exiles en province, et
souffrant de ces belles annees contenues, si bien employees du reste et
si decisives, pussent lire, comme je l'ai fait, toutes ces lettres d'un
homme de genie pauvre, obscur alors, et s'efforcant comme eux; ils
apprendraient a redoubler de foi dans l'etude, dans les affections
severes: ils s'enhardiraient pour l'avenir.
Les idees religieuses avaient ete vives chez le jeune Ampere a l'epoque
de sa premiere communion; nous ne voyons pas qu'elles aient cesse
completement dans les annees qui suivirent; mais elles s'etaient
certainement affaiblies. L'absence, la douleur et l'exaltation chaste
les reveillerent avec puissance. On sait, et l'on a dit souvent, que
M. Ampere etait religieux, qu'il etait croyant au christianisme, comme
d'autres illustres savants du premier ordre, les Newton, les Leibniz,
les Haller, les Euler, les Jussieu. On croit, en general, que ces
savants resterent constamment fermes et calmes dans la naivete et la
profondeur de leur foi, et je le crois pour plusieurs, pour les Jussieu,
pour Euler, par exemple. Quant au grand Haller, il est necessaire de
lire le journal de sa vie pour decouvrir sa lutte perpetuelle et ses
combats sous cette apparence calme qu'on lui connaissait: il s'est
presque autant tourmente que Pascal. M. Ampere etait de ceux-ci, de
ceux que l'epreuve tourmente, et, quoique sa foi fut reelle et qu'en
definitive elle triomphat, elle ne resta ni sans eclipses ni sans
vicissitudes. Je lis dans une lettre de ce temps:
"... J'ai ete chercher dans la petite chambre au-dessus du
laboratoire, ou est toujours mon bureau, le portefeuille en soie,
J'en veux faire la revue ce soir, apres avoir repondu a tous les
articles de ta derniere lettre, et t'avoir priee, d'apres une suite
d'idees qui se sont depuis une heure succede dans ma tete, de
m'envoyer les deux livres que je te demanderai tout a l'heure.
L'etat de mon esprit est singulier: il est comme un homme qui
se noierait dans son crachat.
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