savante; et tout se confisque alors en elle et s'y coordonne ou s'y
confond. L'imagination, l'art ingenieux et complique, la ruse des
moyens, l'ardeur meme de coeur, y passent et l'augmentent. Quand une
idee possede cet esprit inventeur, il n'entend plus a rien autre chose,
et il va au bout dans tous les sens de cette idee comme apres une proie,
ou plutot elle va au bout en lui, se conduisant elle-meme, et c'est lui
qui est la proie. Si M. Ampere avait eu plus de cette volonte suivie,
de ce caractere regulier, et, on peut le dire, plus ou moins ironique,
positif et sec, dont etaient munis les hommes que nous avons nommes, il
ne nous donnerait pas un tel spectacle, et, en lui reconnaissant plus de
conduite d'esprit et d'ordonnance, nous ne verrions pas en lui le savant
en quete, le chercheur de causes aussi a nu.
Il est resulte aussi de cela qu'a cote de sa pensee si grande et de sa
science irrassasiable, il y a, grace a cette vocation imposee, a cette
direction imperieuse qu'il subit et ne se donne pas, il y a tous les
instincts primitifs et les passions de coeur conservees, la sensibilite
que s'etait de bonne heure trop retranchee la froideur des autres,
restee chez lui entiere, les croyances morales toujours emues, la
naivete, et de plus en plus jusqu'au bout, a travers les fortes
speculations, une inexperience craintive, une enfance, qui ne semblent
point de notre temps, et toutes sortes de contrastes.
Les contrastes qui frappent chez Laplace, Lagrange, Monge et Cuvier, ce
sont, par exemple, leurs pretentions ou leurs qualites d'hommes d'Etat,
d'hommes politiques influents, ce sont les titres et les dignites dont
ils recouvrent et quelquefois affublent leur vrai genie. Voila, si je ne
me trompe, des _distractions_ aussi et des _absences_ de ce genie, et,
qui pis est, volontaires. Chez M. Ampere, les contrastes sont sans doute
d'un autre ordre; mais ce qu'il suffit d'abord de dire, c'est qu'ici la
vanite du moins n'a aucune part, et que si des faiblesses egalement y
paraissent, elles restent plus naives et comme touchantes, laissant
subsister l'entiere veneration dans le sourire.
Deux parts sont a faire dans l'histoire des savants: le cote severe,
proprement historique, qui comprend leurs decouvertes positives et ce
qu'ils ont ajoute d'essentiel au monument de la connaissance humaine, et
puis leur esprit en lui-meme et l'anecdote de leur vie. La solide part
de la vie scientifique de M. Ampere etant retracee ci-apr
|