entiment, bien modifie ensuite, et par son premier mariage dans une
famille royaliste et devote, et plus tard par ses retours sinceres a la
soumission religieuse et ses menagements forces sous la Restauration,
s'est pourtant maintenu chez lui, on peut l'affirmer, dans son principe
et dans son essence. M. Ampere, par sa foi et son espoir constant en la
pensee humaine, en la science et en ses conquetes, est reste vraiment
de 89. Si son caractere intimide se deconcertait et faisait faute, son
intelligence gardait son audace. Il eut foi, toujours et de plus en
plus, et avec coeur, a la civilisation, a ses bienfaits, a la science
infatigable en marche vers _les dernieres limites, s'il en est, des
progres de l'esprit humain_[118]. Il disait donc vrai en comptant pour
beaucoup chez lui le sentiment _liberal_ que le premier eclat de
tonnerre de 89 avait Enflamme.
[Note 118: Preface de l'_Essai sur la Philosophie des Sciences_.]
D'illustres savants, que j'ai nommes deja, et dont on a releve
frequemment les secheresses morales, conserverent aussi jusqu'au bout,
et malgre beaucoup d'autres cotes moins liberaux, le gout, l'amour
des sciences et de leurs progres; mais, notons-le, c'etait celui des
sciences purement mathematiques, physiques et naturelles. M. Ampere,
different d'eux et plus liberal en ceci, n'omettait jamais, dans son
zele de savant, la pensee morale et civilisatrice, et, en ayant espoir
aux resultats, il croyait surtout et toujours a l'ame de la science.
En meme temps que, deja jeune homme, les livres, les idees et les
evenements l'occupaient ainsi, les affections morales ne cessaient pas
d'etre toutes-puissantes sur son coeur. Toute sa vie il sentit le
besoin de l'amitie, d'une communication expansive, active, et de chaque
instant: il lui fallait verser sa pensee et en trouver l'echo autour
de lui. De ses deux soeurs, il perdit l'ainee, qui avait eu beaucoup
d'action sur son enfance; il parle d'elle avec sensibilite dans des vers
composes longtemps apres. Ce fut une grande douleur. Mais la calamite de
novembre 93 surpassa tout. Son pere etait juge de paix a Lyon avant le
siege, et pendant le siege il avait continue de l'etre, tandis que la
femme et les enfants etaient restes a la campagne. Apres la prise de
la ville, on lui fit un crime d'avoir conserve ses fonctions; on le
traduisit au tribunal revolutionnaire et on le guillotina. J'ai sous
les yeux la lettre touchante, et vraiment sublime de simplicite, dans
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