verrons bientot revenir a ces dernieres sciences,
y joignant physique et chimie; puis passer presque exclusivement, pour
de longues annees, a l'ideologie, a la metaphysique, jusqu'a ce que la
physique, en 1820, le ressaisisse tout d'un coup et pour sa gloire:
singuliere alternance de facultes et de produits dans cette intelligence
feconde, qui s'enrichit et se bouleverse, se retrouve et s'accroit
incessamment.
Celui qui, a dix-huit ans, avait lu la _Mecanique analytique_ de
Lagrange, recitait donc a vingt ans les poetes, se bercait du rhythme
latin, y melait l'idiome toscan, et s'essayait meme a composer des
vers dans cette derniere langue. Il entamait aussi le grec. Il y a une
description celebre du cheval chez Homere, Virgile et le Tasse[119]: il
aimait a la reciter successivement dans les trois langues.
[Note 119: Homere, Iliade, VI; Virgile, Eneide, XI; et le Tasse,
probablement Jerusalem delivree, chant IX, lorsque Argilan, libre enfin
de sa prison, est compare au coursier belliqueux qui rompt ses liens.]
Le sentiment de la nature vivante et champetre lui creait en ces moments
toute une nouvelle existence dont il s'enivrait. Circonstance piquante
et qui est bien de lui! cette nature qu'il aimait et qu'il parcourait en
tous sens alors avec ravissement, comme un jardin de sa jeunesse, il
ne la voyait pourtant et ne l'admirait que sous un voile qui fut leve
seulement plus tard. Il etait myope, et il vint jusqu'a un certain age
sans porter de lunettes ni se douter de la difference. C'est un jour,
dans l'ile Barbe, que, M. Ballanche lui ayant mis des lunettes sans trop
de dessein, un cri d'admiration lui echappa comme a une seconde vue tout
d'un coup revelee: il contemplait pour la premiere fois la nature
dans ses couleurs distinctes et ses horizons, comme il est donne a la
prunelle humaine.
Cette epoque de sentiment et de poesie fut complete pour le jeune
Ampere. Nous en avons sous les yeux des preuves sans nombre dans les
papiers de tous genres amasses devant nous et qui nous sont confies,
tresor d'un fils. Il ecrivit beaucoup de vers francais et ebaucha une
multitude de poemes, tragedies, comedies, sans compter les chansons,
madrigaux, charades, etc. Je trouve des scenes ecrites d'une tragedie
d'_Agis_, des fragments, des projets d'une tragedie de _Conradin_, d'une
_Iphigenie en Tauride_..., d'une autre piece ou paraissaient Carbon et
Sylla, d'une autre ou figuraient Vespasien et Titus; un morceau d'un
poeme
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