es par un juge
bien competent, M. Littre[116], nous avons donc a faire connaitre, s'il
se peut, l'homme meme, a tacher de le suivre dans son origine, dans
sa formation active, son etendue, ses digressions et ses melanges, a
derouler ses phases diverses, ses vicissitudes d'esprit, ses richesses
d'ame, et a fixer les principaux traits de sa physionomie dans cette
elite de la famille humaine dont il est un des fils glorieux.
[Note 116: L'article de M. Littre suivait immediatement le notre dans
la _Revue des Deux Mondes_.]
Andre-Marie Ampere naquit a Lyon le 20 janvier 1775. Son pere,
negociant retire, homme assez instruit, l'eleva lui-meme au village
de Polemieux[117], ou se passerent de nombreuses annees. Dans ce pays
sauvage, montueux, separe des routes, l'enfant grandissait, libre sous
son pere, et apprenait tout presque de lui-meme. Les combinaisons
mathematiques l'occuperent de bonne heure; et, dans la convalescence
d'une maladie, on le surprit faisant des calculs avec les morceaux d'un
biscuit qu'on lui avait donne. Son pere avait commence de lui enseigner
le latin; mais lorsqu'il vit cette disposition singuliere pour les
mathematiques, il la favorisa, procurant a l'enfant les livres
necessaires, et ajournant l'etude approfondie du latin a un age plus
avance. Le jeune Ampere connaissait deja toute la partie elementaire des
mathematiques et l'application de l'algebre a la geometrie, lorsque le
besoin de pousser au dela le fit aller un jour a Lyon avec son pere. M.
l'abbe Daburon (depuis inspecteur general des etudes) vit entrer alors
dans la bibliotheque du college M. Ampere, menant son fils de onze a
douze ans, tres-petit pour son age. M. Ampere demanda pour son fils
les ouvrages d'Euler et de Bernouilli. M. Daburon fit observer qu'ils
etaient en latin: sur quoi l'enfant parut consterne de ne pas savoir le
latin; et le pere dit: "Je les expliquerai a mon fils"; et M. Daburon
ajouta: "Mais c'est le calcul differentiel qu'on y emploie, le
savez-vous?" Autre consternation de l'enfant; et M. Daburon lui offrit
de lui donner quelques lecons, et cela se fit.
[Note 117: Un document precis, qui nous est fourni depuis, le fait
naitre a ce village de Polemieux; M. Ampere s'etait dit toujours ne a
Lyon.]
Vers ce temps, a defaut de l'emploi des infiniment petits, l'enfant
avait de lui-meme cherche, m'a-t-on dit, une solution du probleme des
tangentes par une methode qui se rapprochait de celle qu'on appelle
methode des
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