peenne selon ses
idees de tout temps, a tracer le role oblige de la France, et a fletrir
pour le coup la politique _de menage_ a laquelle on l'assujettit: il
n'en a rien fait, soit que l'humeur contemplative ait predomine et
l'ait decourage de l'effort individuel, soit que, voyant une Chambre si
ouverte a entendre, il ait souri sur son banc avec dedain[114].
[Note 114: M. Jouffroy, depuis, s'est decide a parler, et il l'a
fait avec le succes que nous presagions, bien que dans un sens un peu
different de celui qui nous semblait probable a cette date de decembre
1833, et que nous eussions prefere.]
Car, malgre tout le progres de la disposition contemplative, il y a en
M. Jouffroy le cote dedaigneux, ironique, l'ancien cote actif refoule,
qui se fait sentir amerement par retours, et qui tranche, comme un
eclair, sur un grand fonds de calme et d'ennui. Il y a le vieil homme,
qui fut severe au passe, hostile aux revelations, l'adversaire railleur
du baron d'Eckstein, le philosophe qui ignore et supprime ce qui le
gene, comme Malebranche supprimait l'histoire. Il y a l'aristocratie
du penseur et du montagnard, froideur et hauteur, le premier mouvement
susceptible et chatouilleux, la levre qui s'amincit et se pince, une
rougeur rapide a une joue qui soudain palit.
Mais il y a tout aussitot et tres-habituellement le cote bon,
plebeien, condescendant, explicatif et affectueux, qui s'accommode aux
intelligences, qui, au sortir d'un paradoxe presque outrageux, vous
demontre au long des clartes et sait y demeler de nouvelles finesses;
une disposition humaine et morale, une bienveillance qui prend interet,
qui ne se degoute ni ne s'emousse plus. L'idee de devoir preside a
cette noble partie de l'ame que nous peignons; si le premier mouvement
s'echappe quelquefois, la seconde pensee repare toujours.
Outre les travaux et ecrits ulterieurs qu'on a droit d'esperer de M.
Jouffroy, il est une oeuvre qu'avant de finir nous ne pouvons nous
empecher de lui demander, parce qu'il nous y semble admirablement
propre, bien que ce soit hors de sa ligne apparente. On a reproche a
quelques endroits de sa psychologie de tenir du roman; nous sommes
persuade qu'un roman de lui, un vrai roman, serait un tresor de
psychologie profonde. Qu'il s'y dispose de longue main, qu'il termine
par la un jour! il s'y fondera a cote de la science une gloire plus
durable; Petrarque doit la sienne a ses vers vulgaires, qui seuls ont
vecu. Un roman de M. Jouffro
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