re renferme, lisant beaucoup a
part des cours, et se formant avec independance. Il avait un gout marque
pour les comedies, et essaya meme d'en composer. Recu eleve de l'Ecole
Normale par l'inspecteur-general, M. Roger, qui fut frappe de son
savoir; il vint a Paris en 1813. Sa haute taille, ses manieres simples
et franches, une sorte de rudesse apre qu'il n'avait pas depouillee,
tout en lui accusait ce type vierge d'un enfant des montagnes, et qui
etait fier d'en etre; ses camarades lui donnerent le sobriquet de
_Sicambre_. Ses premiers essais a l'Ecole attestaient une lecture
immense, et particulierement des etudes historiques tres-nourries. Un
grand mouvement d'emulation animait alors l'interieur de l'Ecole; les
eleves provinciaux, entres l'annee precedente, MM. Dubois, Albrand aine,
Cayx, etc., s'etaient mis en devoir de lutter avec les eleves parisiens,
jusque-la en possession des premiers rangs. MM. Jouffroy, Damiron,
Bautain, Albrand jeune, qui survinrent en 1813, acheverent de constituer
en bon pied les provinciaux. Cette premiere annee se passa pour eux a
des exercices historiques et litteraires; il fallait la revolution de
1814 pour qu'une specialite philosophique put etre creee au sein de
l'Ecole par M. Cousin. MM. La Romiguiere et Boyer-Collard n'avaient
professe qu'a la Faculte des Lettres, mais aucun enseignement
philosophique approprie ne s'adressait aux eleves; M. Cousin eut, en
1814, l'honneur de le fonder, et MM. Jouffroy, Damiron et Bautain furent
ses premiers disciples.
Je me suis demande souvent si M. Jouffroy avait bien rencontre sa
vocation la plus satisfaisante en s'adonnant a la philosophie; je me
le suis demande toutes les fois que j'ai lu des pages historiques ou
descriptives ou sa plume excelle, toutes les fois que je l'ai entendu
traiter de l'Art et du Beau avec une delicatesse si sentie et une
expansion qui semble augmentee par l'absence, _ripae ulterioris amore_,
ou enfin lorsqu'en certains jours tristes, au milieu des matieres qu'il
deduit avec une lucidite constante, j'ai cru saisir l'ennui de l'ame
sous cette logique, et un regret profond dans son regard d'exile. Mais
non; si M. Jouffroy ne trouve pas dans la seule philosophie l'emploi
de toutes ses facultes cachees, si quelques portions pittoresques ou
passionnees restent chez lui en souffrance, il n'est pas moins fait
evidemment pour cette reflexion vaste et eclaircie. Son tort, si nous
osons percer au dedans, est, selon nous, d'avoir
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