e la methode des faits de
conscience, le continuateur de Stewart et de Reid, celui qui, avec son
modeste ami M. Damiron, s'est installe a demeure dans la psychologie
d'abord conquise, sillonnee, et bientot laissee derriere par M. Cousin,
et qui y regne aujourd'hui a peu pres seul comme un vice-roi emancipe,
ce n'est pas ce representant de la science que nous discuterons en
M. Jouffroy[111]; c'est l'homme seulement que nous voulons de lui,
l'ecrivain, le penseur, une des figures interessantes et assez
mysterieuses qui nous reviennent inevitablement dans le cercle de notre
epoque, un personnage qui a beaucoup occupe notre jeune inquietude
contemplative, une parole qui penetre, et un front qui fait rever.
[Note 109: _Revue encyclopedique_.]
[Note 110: _Revue du Progres social_.]
[Note 111: Ce que j'ai avance de la philosophie me semble surtout vrai
de la psychologie. La psychologie en elle-meme (si je l'ose dire), a
part un certain nombre de verites de detail et de remarques fines qu'on
en peut tirer, ne sert guere qu'au sentiment solitaire du contemplateur
et ne se transmet pas. Comme science, elle est perpetuellement a
recommencer pour chacun. Le psychologiste pur me fait l'effet du pecheur
a la ligne, immobile durant des heures dans un endroit calme, au bord
d'une riviere doucement courante. Il se regarde, il se distingue dans
l'eau, et apercoit mille nuances particulieres a son visage. Son
illusion est de croire pouvoir aller au dela de ce sentiment
d'observation contemplative; car, s'il veut tirer le poisson hors de
l'eau, s'il agite sa ligne, comme, en cette sorte de peche, le poisson,
c'est sa propre image, c'est soi-meme, au moindre effort et au moindre
ebranlement, tout se trouble, la proie s'evanouit, le phenomene a saisir
n'est deja plus.]
M. Theodore Jouffroy est ne en 1796, au hameau des Pontets pres de
Mouthe, sur les hauteurs du Jura, d'une famille ancienne et patriarcale
de cultivateurs. Son grand-pere, qui vecut tard, et dont la jeunesse
s'etait passee en quelque charge de l'ancien regime, avait conserve
beaucoup de solennite, une grandeur polie et presque seigneuriale dans
les manieres. La famille etait si unie, que les biens de l'oncle et du
pere de M. Jouffroy resterent _indivis_, malgre l'absence de l'oncle qui
etait commercant, jusqu'a la mort du pere. Il fit ses premieres etudes a
Lons-le-Saulnier, sous un autre vieil oncle pretre; de la il partit pour
Dijon, ou il suivit le college sans y et
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