a d'etre
elimine, soit enfin durant le cours entier de la Restauration; sa
delicatesse un peu frele et son amenite extreme furent toujours exemptes
de transactions et de faiblesse sur ce chapitre du patriotisme et des
principes de 89 [106]. En somme, ce fut un honorable caractere, et plus
fort peut-etre que son talent; mais ce talent lui-meme etait rare. M.
Andrieux avait recu un don peu abondant, mais distingue et precieux;
il en a fait un sobre, un juste et long usage. Son nom restera dans la
litterature francaise, tant qu'un sens net s'attachera au mot de _gout_.
17 mai 1833.
[Note 106: Il ecrivait a M. Parent-Real, son ancien collegue
au Tribunal, le 20 novembre 1831: "Nous avons vu quarante ans de
revolutions: pensez-vous que nous soyons a la fin? Nous avons vu aussi
tous les gouvernements qui se sont succede l'un apres l'autre, etre
aveugles, egoistes, dilapidateurs et insolents; aussi tous sont-ils
tombes.... _interea patitar justus_: la pauvre nation, victime
innocente, est livree, comme Promethee, au bec eternel des vautours."
Ces phrases contrarient en un point ce qu'a dit M. Thiers dans le
discours, si judicieux d'ailleurs, qu'il prononca a l'Academie
francaise, en venant y succeder a l'aimable auteur des _Etourdis_: "M.
Andrieux est mort, content de laisser ses deux filles unies a deux
hommes d'esprit et de bien, content de sa mediocre fortune, de sa grande
consideration, content de son siecle, content de voir la Revolution
francaise triomphante sans desordres et sans exces." M. Andrieux, a tort
ou a raison, etait moins optimiste que son spirituel panegyriste ne l'a
cru.]
M. JOUFFROY
Il y a une generation qui, nee tout a la fin du dernier siecle, encore
enfant ou trop jeune sous l'Empire, s'est emancipee et a pris la robe
virile au milieu des orages de 1814 et 1815. Cette generation dont l'age
actuel est environ quarante ans, et dont la presque totalite lutta, sous
la Restauration, contre l'ancien regime politique et religieux, occupe
aujourd'hui les affaires, les Chambres, les Academies, les sommites
du pouvoir ou de la science. La Revolution de 1830, a laquelle cette
generation avait tant pousse par sa lutte des quinze annees, s'est faite
en grande partie pour elle, et a ete le signal de son avenement. Le gros
de la generation dont il s'agit constituait, par un melange d'idees
voltairiennes, bonapartistes et semi-republicaines, ce qu'on appelait le
liberalisme. Mais il y avait une elite qui,
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