decomposent, comme des corps organiques en
dissolution, lesquels donnent alors acces en eux par tous les pores aux
elements generaux, l'air, la lumiere, la chaleur: ces corps humains et
vivants etaient mieux portants, a coup sur, quand ils avaient assez
de loisir et de discernement pour songer surtout a la decence de la
demarche, aux parfums des cheveux, aux nuances du teint et a la beaute
des ongles.
Dans les changements proposes pour _Polyeucte_ et _Nicomede_, et ou il
ne s'agit que de quelques retouches de vers et de mots, M. Andrieux se
montre comme aux pieds du grand Corneille et lui demandant la permission
d'oter, en soufflant, quelques grains de poussiere a son beau cothurne.
Cette image piquante nous offre le critique respectueux et minutieux
dans ses proportions vraies, et le doux air d'espieglerie qui s'y mele
n'y messied pas.
M. Andrieux avait donc recu en naissant un grain de notre sel attique,
une goutte de miel de notre Hymette, et il les a mis sobrement a profit,
il les a sagement menages jusqu'au bout. Il etait erudit, studieux avec
friandise, intimement verse dans Horace, dont il donnait d'agreables et
familieres traductions, sachant tant soit peu le grec, et par consequent
beaucoup mieux que les gens de lettres ne le savaient de son temps:
car de son temps les gens de lettres ne le savaient pas du tout, et,
quelques annees plus tard, la generation litteraire suivante, dite
_litterature de l'Empire_, et dont etait M. de Jouy, sut a peine le
latin. M. Andrieux, qui n'eut jamais rien de commun avec l'Allemagne que
d'etre ne dans la capitale alsacienne, et qui faisait fi de tout ce
qui etait germanique, avait moins de repugnance pour la litterature
anglaise, et il la posseda, comme avait fait Suard, par le cote
d'Addison, de Pope, de Goldsmith, et des moralistes ou poetes du siecle
de la reine Anne.
A partir de 1814, M. Andrieux professa au College de France, comme,
depuis plusieurs annees deja, il professait a l'interieur de l'Ecole
Polytechnique, et ses cours publics, fort suivis et fort aimes de la
jeunesse, devinrent son occupation favorite, son bonheur et toute
sa vie. Nous serions peu a meme d'en parler au long, les ayant trop
inegalement entendus, et rien d'ailleurs n'en ayant ete imprime
jusqu'ici. Mais ce qu'on peut dire sans crainte d'erreur, c'est que M.
Andrieux y deploya dans un cadre plus general les qualites precieuses
de critique, de finesse delicate, de malice inoffensive et ingenieu
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