pres des Flamands et
parlaient en francais des _placers_ ou mines d'or, et du plus ou moins
de succes qu'ils avaient eu pendant la bonne saison passee.
Donat Kwik avait, a son entree dans la salle, remarque une chose qui
l'avait frappe d'une joyeuse surprise. Meme lorsque le garcon eut depose
devant lui un morceau de rosbif fumant, il oublia de manger et son
regard etincelant restait tourne vers le bout de la table: il voyait de
l'or, de l'or de Californie! Jusqu'a ce moment, par une mefiance
naturelle, il avait craint que lui et tous ses camarades du _Jonas_ ne
fussent victimes d'une escroquerie adroite et calculee. Maintenant il
devait bien croire a l'or, il brillait devant ses yeux; il en voyait
jouer des poignees comme s'il n'avait pas eu plus de valeur que les
noisettes ou les amandes du marchand d'oublies de Natten-Haesdonck. Il
suivait les mouvements des joueurs et regardait avec etonnement comment,
tout en proferant mille interpellations passionnees, ils pesaient la
poudre d'or et les grains dans une petite balance et se defiaient
ensuite a mettre pour enjeu d'un coup de des un ou plusieurs de ces
petits tas qu'ils nommaient une once.
Il lui faisait bien un peu de peine de voir sur la table, a cote de
chaque tas d'or, un revolver ou un long couteau; mais la fortune qu'il
avait revee etait une realite et non un leurre. Cette conviction remplit
son coeur de courage et de confiance. En outre, les hommes qui maniaient
l'or comme si c'eut ete une substance sans valeur n'avaient pas l'air
plus riche que les mendiants qu'ils avaient remarques sur le quai, a
San-Francisco; ils etaient egalement sales et deguenilles, et, a part
leurs regards fiers et leur langage imperieux, leurs costumes et leur
physionomie portaient ce cachet de negligence et de pauvrete auquel on
reconnait en Europe, au premier coup d'oeil, l'homme qui souffre de la
faim et de la misere. Kwik ne comprenait pas comment cela se pouvait; ce
n'etait donc pas de pauvres gens qu'il avait vus en si grand nombre? La
hardiesse et la rude fierte de tous lui etaient expliquees: ces hommes
en haillons avaient leurs poches pleines d'or, c'est a cause de cela
qu'ils etaient fiers et qu'ils exigeaient dix francs pour porter une
malle a quelques centaines de pas.
Roozeman et Creps dirigeaient aussi par moments leurs regards vers les
joueurs pour voir briller l'or amoncele devant eux, et ils n'etaient pas
moins satisfaits d'avoir un avant-gout de la fortune qu'i
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