irent demesurement; elle ne
pouvait croire a tant de bonheur."
Madame Papofski: "Vous me laisseriez... ici..., chez vous... et
maitresse de tout diriger?"
Le general: "Tout! Vous ferez ce que vous voudrez; vous depenserez ce
que vous voudrez tout le temps que vous y resterez."
Madame Papofski: "Et combien de temps durera votre absence, mon bon
oncle?"
Le general: "Un an, mon excellente niece; quinze mois peut-etre."
Mme Papofski ne pouvait plus contenir sa joie. Elle se jeta dans les
bras du general, qui la repoussa sous pretexte qu'elle derangeait sa
superbe coiffure."
Madame Papofski: "Mon pauvre oncle! Un an, c'est affreux!"
Le general: "Deux ans, peut-etre!"
Madame Papofski: "Deux ans, vraiment! Deux ans! Je ne puis croire a
un... un..."
Le general, avec ironie: "...a un bonheur, pareil!"
Madame Papofski: "Ah! mon oncle! vous etes mechant!"
Le general: "Bonheur enorme! rester un an..."
Madame Papofski, vivement: "Vous disiez deux ans?"
Le general: "Deux ans, si vous voulez; maitresse souveraine de
Gromiline, avec la chance que je meure, que je creve! Vous n'appelez pas
ca un bonheur?"
Madame Papofski, faisant des mines: "Mon oncle; vous etre trop mechant!
Vrai! je vous aime tant! Vous savez?"
Le general: "Oui, oui, je sais; et croyez que je vous aime comme vous
m'aimez."
Mme Papofski se mordit les levres; elle devinait l'ironie et elle aurait
voulu se facher, mais le moment eut ete mal choisi: Gromiline pouvait
lui echapper. Elle faisait son plan dans sa tete; aussitot apres le
depart de son oncle, elle le denoncerait comme recevant chez lui des
gens suspects. Depuis six mois que Romane etait la, elle avait observe
bien des choses qui lui semblaient etranges: l'amitie familiere de son
oncle pour lui, la politesse et les deferences de sa soeur, les manieres
nobles et aisees du gouverneur; sa conversation, qui indiquait
l'habitude du grand monde; de frequentes et longues conversations a voix
basse avec son oncle, des rougeurs et des paleurs subites au moindre
mouvement extraordinaire au dehors, le service empresse de Derigny pres
du nouveau venu, tous ces details etaient pour elle des indices d'un
mystere qu'on lui cachait. La famille francaise etait evidemment envoyee
par des revolutionnaires pour former un complot. Le pretendu Anglais,
qui oubliait parfois son origine, et qui perdait son accent pour parler
le francais le plus pur et le plus elegant, devait etre un second
emissai
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