indre, et que son pere et sa mere
l'ecoutent, et qu'ils grondent les pauvres domestiques. Je dis, moi,
que c'est mechant.
MADAME ANFRY
Et qu'est-ce que ca te fait, a toi? Tu n'es pas leur domestique; tu
n'as pas a te meler de leurs affaires. Reste tranquille chez toi, et
ne va pas te fourrer au chateau comme tu faisais toujours du temps de
M. Jacques.
BLAISE
Ah! mon pauvre petit M. Jacques! En voila un bon et aimable comme on
n'en voit pas souvent. Il partageait tout avec moi; il avait toujours
une petite friandise a me donner: une poire, un gateau, des cerises,
des joujoux; et puis, il etait bon et je l'aimais! Ah! je l'aimais!...
Je ne me consolerai jamais de son depart."
Et Blaise se mit a pleurer.
MADAME ANFRY
Voyons, Blaise, finis donc! Quand tu pleurerais tout ce que tu as
de larmes dans le corps, ce n'est pas cela qui les ferait revenir.
Puisque son pere a vendu aux nouveaux maitres, c'est une affaire
faite, et tes larmes n'y peuvent rien, n'est-ce pas? Moi aussi, je
regrette bien M. et Mme de Berne, et tu ne me vois pourtant pas
pleurer..."
Mme Anfry fut interrompue par le claquement d'un fouet et une voix
forte qui appelait:
"Hola! le concierge! Personne ici?"
Mme Anfry accourut; un domestique a cheval et en livree etait a la
grille fermee.
"C'est vous qui etes concierge, ici? Tenez la grille ouverte; M. le
comte arrive dans cinq minutes, dit-il d'un air insolent.
--Oui, Monsieur, repondit Mme Anfry en saluant.
--Tout est-il en etat au chateau?
--Dame! Monsieur, j'ai fait de mon mieux pour satisfaire les maitres,
repondit timidement Mme Anfry.
--C'est bon, c'est bon", reprit le domestique en fouettant son cheval.
Mme Anfry ouvrit la grille tout en suivant des yeux le domestique, qui
galopait vers le chateau.
"Il n'est guere poli, celui-la, murmura-t-elle; il aurait pu tout de
meme parler plus honnetement. Blaise, mon garcon, continua-t-elle plus
haut, cours au chateau et previens ton pere que les nouveaux maitres
arrivent, qu'il vienne vite me rejoindre pour les recevoir a la
grille.
--Ou le trouverai-je, maman? dit Blaise.
--Dans les chambres du chateau, qu'il arrange et nettoie depuis ce
matin; va, mon garcon, va vite."
Blaise partit en courant; il entra dans le vestibule, ou il trouva
cinq ou six domestiques qui allaient et venaient d'un air effare.
"Halte-la, petit! lui cria un des domestiques; les blouses ne passent
pas. Qui demandes-tu?
--Je cherche m
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