dit M. de Trenilly; mais
je m'etonne que votre fils ait ose vous parler d'un accident dont il a
ete la seule cause et dans le but ignoble de s'approprier les habits
de Jules.
ANFRY
Je ne comprends pas ce que veut dire Monsieur le comte; Blaise n'a
rien fait qui puisse meriter des reproches; au contraire, c'est lui
qui est venu au secours de M. Jules.
LE COMTE
Joli secours, en verite, que de le pousser dans une mare pleine de
sangsues!
ANFRY
Mais, Monsieur le comte, comment pouvait-il pousser M. Jules,
puisqu'il n'etait pas avec lui?
LE COMTE
Pas avec lui! Voila qui est fort, quand l'echange des habits prouve
clairement qu'ils etaient ensemble.
ANFRY
Pardon, Monsieur le comte; entendons-nous. Blaise a donne ses
vetements a M. Jules, qui grelottait dans les siens tout trempes,
lorsque, l'entendant crier, il est venu a son secours; mais ils
etaient si peu ensemble, que M. Jules a ete du cote de la mare aux
sangsues pour le chercher.
M. DE TRENILLY
C'est votre vaurien de fils qui vous a conte cela, et vous le croyez,
en pere faible que vous etes?
ANFRY, _avec emotion_
Pardon, Monsieur le comte, vous etes le maitre et je suis le
serviteur, et je ne puis repondre comme je le ferais a mon egal, pour
justifier mon fils; mais je puis, sans manquer au respect que je dois
a Monsieur le comte, protester que Blaise est innocent des accusations
fausses que M. Jules a portees contre lui.
M. DE TRENILLY, _avec colere_
C'est-a-dire que Jules a menti?...
ANFRY, _avec calme_
Je le crains, Monsieur le comte.
M. DE TRENILLY, _avec ironie et une colere contenue_
C'est franc, du moins, si ce n'est pas poli. Mais dites-moi donc,
Monsieur Anfry, que vous a raconte M. Blaise pour vous donner une si
pauvre opinion de la sincerite de mon fils?
ANFRY, _avec calme et fermete_
Voici, Monsieur le comte, ce ne sera pas long."
Et en peu de mots Anfry raconta ce qui s'etait passe, sans oublier la
visite que lui avait faite Jules a la recherche de Blaise et le depart
de Jules tout seul, monte sur son ane.
Le recit franc et ferme d'Anfry fit impression sur M. de Trenilly, qui
commenca lui-meme a douter de la verite du recit de Jules, mais sans
pouvoir admettre chez son fils une pareille faussete.
"C'est bien, dit-il lorsque Anfry eut fini de parler; je saurai la
verite; je reparlerai a Jules. Vous pouvez vous retirer. Anfry,
ajouta-t-il en le rappelant, si Blaise est coupable, comme je le
croi
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