rivee du comte. Comme l'annee d'avant,
un courrier a cheval l'annonca; la grille fut ouverte et la voiture
roula dans l'avenue. Blaise avait vu M. de Trenilly dans le fond; pres
de lui etait Jules, pale et maigre. La comtesse et Helene n'y etaient
pas. Blaise avait deja su par des gens qui avaient precede M. de
Trenilly qu'Helene etait au couvent pour renouveler sa premiere
communion, et que sa mere ne la ramenerait que dans le courant de
juillet, deux mois plus tard. M. de Trenilly avait l'air encore plus
sombre et plus severe que l'annee precedente.
"Ils n'apportent pas avec eux la gaiete, dit Anfry a sa femme en
refermant la grille.
--Pourvu qu'on ne demande pas notre pauvre Blaisot pour desennuyer M.
Jules, repondit Mme Anfry. C'est qu'il ne serait pas possible de le
refuser.
--Ah! bah! ils n'y songeront seulement pas, reprit Anfry. Tu as donc
oublie ce qu'ils en disaient?..."
Mme Anfry avait bien devine; des le lendemain, un domestique vint
demander Blaise au chateau.
"Blaise est sorti, repondit sechement Anfry.
LE DOMESTIQUE
Ou est-il? ne pourrait-on pas l'avoir? M. le comte m'a bien recommande
de le ramener avec moi.
ANFRY
Il est au catechisme; il n'en reviendra que pour diner.
LE DOMESTIQUE
Est-ce ennuyeux! Monsieur va gronder, bien sur, et M. Jules va etre
plus maussade que d'habitude.
ANFRY
Ah! c'est M. Jules qui le demande. Il a donc oublie le mal qu'il en
disait l'annee derniere.
LE DOMESTIQUE
L'annee derniere n'est pas l'annee qui court; on a change d'idees
depuis, et M. Jules ne reve plus que Blaise. Mlle Helene a raconte
bien des choses qu'on ne savait pas; elle a tant parle de la piete
de Blaise et de ses bons sentiments pour sa premiere communion, que
Monsieur et Madame ne redoutent plus sa compagnie pour M. Jules.
ANFRY
Mais c'est Blaise qui craint celle de M. Jules, et j'aimerais autant
que chacun restat chez soi.
LE DOMESTIQUE
Comme vous voudrez, Monsieur Anfry. Je vais toujours dire a M. le
comte que Blaise est sorti."
Le domestique s'en alla, laissant Anfry et sa femme fort contraries de
cette lubie de Jules.
Quand Blaise fut de retour, et qu'il sut qu'on etait venu le demander
au chateau, le pauvre garcon eut peur et supplia son pere de le
laisser aller aux champs tout de suite apres son diner.
"Mais ou iras-tu, mon pauvre Blaisot?
--J'irai travailler aux champs avec les garcons de ferme, papa; le
fermier m'a tout justement demande si je ne
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