papa, je ne
pourrais peut-etre pas m'empecher de leur en vouloir de leur
injustice, surtout a M. Jules, et je me sentirais de la colere, de la
haine peut-etre. Et comment pourrais-je faire ma premiere communion
et recevoir Notre-Seigneur, si je ne pardonne de bon coeur a ceux qui
m'ont fait du mal? Notre-Seigneur a bien pardonne a ses bourreaux; il
a meme prie pour eux. Je veux tacher de faire comme lui.
--C'est bien, ce que tu dis la, mon Blaisot, lui dit son pere en
l'embrassant. Tu es plus sage que moi et ta mere... C'est qu'il ne
nous est pas facile de pardonner a ceux qui ont fait du mal a notre
enfant, qui l'ont fait passer pour un voleur, un mechant, un...
--Papa, papa, je vous en prie, dit Blaise d'un air suppliant, ne
parlez que de Mlle Helene, qui a ete si bonne pour moi.
--Ah oui! celle-la est une bonne demoiselle! on ne risque rien d'en
parler; pas de danger de dire une mechancete."
"Une lettre", dit le facteur en entrant un matin. Et il en remit une a
Anfry, qui l'ouvrit et lut ce qui suit:
"Tenez le chateau pret pour nous recevoir, Anfry; j'arrive avec mon
fils lundi prochain. Soignez particulierement la chambre de Jules, qui
est souffrant depuis une chute de cheval. Je vous salue.
"Comte de TRENILLY."
"Lundi prochain, c'est dans quatre jours, dit Anfry. Je n'ai guere de
temps pour tout preparer. Il faut nous y mettre tous des aujourd'hui.
--C'est singulier, dit Blaise, il ne parle que de M. Jules et pas de
Mlle Helene; est-ce qu'elle ne viendrait pas, par hasard?
--Et ou veux-tu qu'elle reste? dit Mme Anfry. La place d'une jeune
fille n'est-elle pas pres de sa mere! Au surplus, nous le verrons bien
quand ils seront arrives."
Elle monta au chateau avec Anfry et Blaise. Pendant quatre jours
ils ne firent que frotter, essuyer et ranger. Enfin, tout se trouva
termine le lundi dans la journee.
"Je ne sais trop que faire, avait dit Anfry, pour soigner
particulierement l'appartement de M. Jules. Je l'ai frotte, essuye,
comme les autres; je ne peux pas faire mieux.
--Laissez-moi l'arranger, papa, dit Blaise; je vais y mettre des
fleurs, qui le rendront plus gai."
En effet, deux heures plus tard, la chambre de Jules avait pris un
autre aspect; il y avait des fleurs dans les vases, des corbeilles
de fleurs sur les croisees, sur la commode. Blaise avait fait de son
mieux, et il avait reussi.
Quand ils redescendirent l'avenue pour rentrer chez eux, ils
n'attendirent pas longtemps l'ar
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