ent et qu'elles couvent;
je veux les laisser mourir de vieillesse. Pensez donc que c'est Blaise
et moi qui les avons elevees, puis sauvees de la mort.
JULES
Que tu es bete! Tu crois que Blaise voulait les sauver? Il a du etre
bien attrape quand il a vu qu'au lieu de les manger pour son diner il
aurait encore a les soigner!"
Helene ouvrit la bouche pour repondre vertement, mais elle se contint,
et, jetant sur son frere un regard qui le fit rougir, elle se contenta
de dire:
"Ne parle pas mal de Blaise devant moi, Jules; tu sais la bonne
opinion que j'en ai et l'amitie que j'ai pour lui. Je la lui doit en
compensation du tort que tu lui as fait, et je ne souffrirai pas qu'on
le calomnie en ma presence, sans prendre sa defense et sans dire les
choses comme je les sais."
Jules resta muet devant le regard fixe et ferme de sa soeur. Il se
borna a dire, en levant les epaules:
"Que tu es sotte!" et quitta la chambre.
Mme de Trenilly avait fini de commander au cuisinier le dejeuner et le
diner; elle ne fit pas attention a la fin de la discussion d'Helene et
de Jules, et reprit sa lecture interrompue.
Il ne fut plus question des poulets. Helene les avait transportes chez
Mme Anfry, de peur que Jules n'eut la fantaisie de les attraper et de
les faire manger. A l'automne, les poulets etaient devenus des poules
qui se mirent a pondre; au printemps elles couverent leurs oeufs et
eurent a leur tour des poulets a conduire. Helene finit par en faire
cadeau a Mme Anfry, qui y trouva un grand avantage, et qui, de temps
a autre, faisait manger a Helene un des poulets de ses poules. Ils
etaient toujours tendres et gras, et chacun en appreciait la qualite.
X
LE RETOUR DE JULES
A l'approche de l'hiver, M. de Trenilly etait parti pour Paris avec
toute sa maison. Anfry, sa femme et Blaise furent enchantes de se
retrouver seuls; l'hiver se passa plus agreablement pour Blaise, dont
chacun commencait a reconnaitre la piete, la bonte et l'honnetete.
Blaise aurait pu profiter de ce retour de bienveillance pour faire des
parties de jeu et de promenade avec ses camarades d'ecole; mais
il preferait travailler a la maison avec son pere et sa mere. Ils
causaient souvent de leurs anciens maitres, mais jamais ils ne
faisaient mention des nouveaux, car ils n'avaient pas de bien a en
dire, et Blaise avait demande a ses parents de n'en pas parler plutot
que d'en dire du mal.
"Si j'en parlais ou si je vous en entendais parler,
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