aye les fleurs: c'est tant pis pour lui. Moi, je
ne les vois seulement pas. Quant au pauvre jardinier c'est different;
c'est lui qui en est charge et c'est lui qui va etre gronde.
JULES
Je m'en moque bien du jardinier; tout cela ne me concerne pas; c'est
lui qui te les a donnees, et c'est toi qui les as demandees et
emportees.
BLAISE
Vous savez bien, Monsieur Jules, que c'est pour vous obeir que je les
ai demandees, et que je n'en avais que faire, moi; j'ai seulement eu
la peine de les brouetter et de decharger la brouette.
JULES
Je n'en sais rien; arrange-toi comme tu voudras. Si papa gronde, tant
pis pour toi.
BLAISE
Si votre papa gronde, je dirai que c'est vous qui m'avez commande de
vous apporter ces fleurs.
JULES
Et moi je dirai que tu mens, que ce n'est pas moi.
BLAISE
Ah! par exemple! ceci est trop fort! Je ne vous croyais pas capable de
tant de mechancete.
JULES
Est-ce que je ne t'ai pas dit et redit que je voulais des pensees?
Entends-tu? des pensees! Et c'est si vrai que, lorsque tu m'as apporte
ces autres fleurs, je me suis fache et j'ai tout ecrase.
BLAISE
Quant a cela, c'est vrai; mais vous savez bien que le jardinier a cru
bien faire de vous les envoyer, et moi aussi j'ai cru que ces jolies
fleurs vous plairaient plus que les pensees que vous demandiez.
JULES
Non, elles ne me plaisent pas. Remporte-les, si tu veux.
BLAISE
Mais le jardinier n'en voudra pas, dans l'etat ou elles sont, ecrasees
et brisees.
JULES
Alors emporte-les, car je ne les veux pas dans mon jardin. Je te les
donne; fais-en ce que tu voudras.
Et il tourna le dos au pauvre Blaise consterne.
"Que vais-je faire de ces fleurs? Les porter au jardinier, je
n'oserais; il pourrait croire que c'est moi qui les ai fait tomber et
qui les ai ecrasees en route.
J'ai envie de les emporter pour les planter dans notre jardin;
peut-etre que papa pourra les faire revenir, et, quand elles auront
bien repris, je les redonnerai au jardinier... Je crois que c'est ce
qu'il y a de mieux a faire pour epargner une gronderie a ce pauvre
homme... Pourvu que M. Jules n'aille pas encore me faire quelque
mauvaise histoire avec ces fleurs... C'est qu'il est mechant, en
verite!"
Tout en se parlant a lui-meme, Blaise ramassait les fleurs, les
enveloppait de terre humide, et les replacait dans sa brouette. Il les
amena pres de son jardin, ou travaillait son pere.
"Papa, dit-il, voici de l'ouvrage presse q
|