z-vous lui arracher
ses legumes, Blaise?
BLAISE
Je vous assure, Madame, que je ne veux rien arracher, et que je ne
veux pas contrarier M. Jules. C'est lui-meme qui se contrarie.
LA BONNE
C'est cela! toujours la meme chanson! C'est M. Jules qui se fait
pleurer lui-meme, n'est-ce pas?"
Blaise voulut repondre, mais la bonne ne lui en laissa pas le temps;
elle le saisit par le bras, le fit pirouetter et lui ordonna de s'en
aller chez lui et de ne plus revenir. Blaise partit sans mot dire, se
promettant bien de refuser a l'avenir toute invitation du chateau.
IV
LE CHAT-FANTOME
Blaise etait courageux; il n'avait pas peur de l'obscurite, et, quand
il faisait beau, il aimait a se promener tout seul, le soir, dans les
prairies traversees par un joli ruisseau.
Qu'est-ce qui lui plaisait tant dans la prairie?
D'abord il etait seul, il allait ou il voulait; ensuite, en suivant le
chemin qui bordait le ruisseau, il voyait une longue rangee de fours a
platre creuses dans la montagne qui borde les pres et la grande route.
Ces fours etaient en feu tous les soirs; il en sortait des gerbes
d'etincelles; les hommes occupes a enfourner du bois dans ces brasiers
lui semblaient etre des diables au milieu des flammes de l'enfer.
Un autre enfant aurait eu peur, mais Blaise n'etait pas si facile a
effrayer; il s'arretait et regardait avec bonheur ces feux allumes,
ces longues trainees d'etincelles, ces hommes armes de fourches
attisant le feu. Il suivait tout doucement la riviere jusqu'au moulin,
dont il traversait la cour pour revenir par la grande route, en
longeant les fours a chaux.
Quelques jours apres sa premiere visite au chateau, Blaise se
preparait a faire sa promenade favorite, lorsqu'il vit accourir Jules.
"Blaise! Blaise! lui cria-t-il, veux-tu venir jouer avec moi? Je suis
seul, je m'ennuie.
--Merci, Monsieur Jules, repondit Blaise, je vais me promener dans
la prairie; je ne veux pas venir chez vous, pour que vous inventiez
encore quelque histoire qui me fasse gronder!
JULES
Oh! Blaise, je t'en prie, viens; je serai tres bon, je ne dirai rien
du tout a personne.
BLAISE
Non, Monsieur Jules, j'aime mieux me promener que jouer.
JULES
Alors j'irai avec toi.
BLAISE
Je ne veux pas vous emmener sans la permission de votre papa, Monsieur
Jules.
JULES
Laisse donc! quelle sottise! Crois-tu que papa et maman me tiennent en
laisse comme un chien de chasse? Je veux aller avec toi,
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