furent des plus rudes, mais
des plus efficaces.
"Voyons, ma bonne Marie, lui dit l'une, vous n'etes pas raisonnable;
puisque le bon Dieu le veut, vous ne pouvez l'empecher.
--A quoi vous sert de vous desoler ainsi, dit l'autre; ce ne sont pas
vos cris ni vos pleurs qui feront revivre l'enfant.
--Soyez raisonnable, dit la troisieme, et voyez donc qu'il vous reste
encore quatre enfants; il y en a tant qui n'en ont pas.
--Et le pauvre innocent qui, en se reveillant, aura besoin de votre
lait; quelle nourriture vous lui donnerez en vous chagrinant comme
vous le faites!
--On fera de son mieux pour vous soulager, ma pauvre Marie; tenez,
voyez Mme Desire qui prend votre enfant et qui va le nourrir avec le
sien."
En effet, Mme Desire Thorel, bonne et gentille jeune femme qui
demeurait tout pres, et qui avait un enfant au maillot, etait accourue
a la premiere nouvelle du malheur arrive a Marie. Elle avait aide avec
bonte et intelligence Mme Renou dans les soins donnes a l'enfant noye;
au reveil du petit, qu'Helene avait endormi, elle le prit, l'enveloppa
de langes et l'emporta chez elle pour le nourrir et le soigner avec le
sien; elle ne le reporta que plusieurs heures apres, lorsque la mere,
revenant un peu a elle et au souvenir de ses autres enfants, demanda
ce dernier petit, le seul qui put etre pres d'elle; les autres etaient
a l'ecole ou dans une ferme, ou on les employait a garder des dindes
et des oies.
Pendant plusieurs jours, elle fut inconsolable; le temps agit enfin
sur son chagrin comme il agit sur tout: il l'usa et le diminua
insensiblement. Mme Renou et Helene allerent tous les jours et
plusieurs fois par jour lui donner des consolations, adoucir sa
douleur et pourvoir a ses besoins et a ceux de sa famille. Helene
s'occupait des enfants, les peignait, les lavait; elle rangeait les
vetements epars, mettait de l'ordre dans le menage, pendant que Mme
Renou causait avec Marie et cherchait a lui donner la resignation
d'une pieuse chretienne soumise aux volontes de Dieu.
Jules profitait des absences plus frequentes d'Helene pour multiplier
ses sottises, dont le pauvre Blaise etait toujours l'innocente
victime, comme on va le voir dans les chapitres suivants.
VI
VENGEANCE D'UN ELEPHANT
"Broum, broum, broum. Voyez, Messieurs, Mesdames, l'animal le plus
grand de tous les animaux crees par le bon Dieu, et, malgre sa grande
taille, le plus doux, le plus obeissant. Venez, Messieurs, Mesdames,
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